Blanche-Neige, #SheToo

Garder la noirceur initiale du conte, y injecter les tragédies modernes, déconstruire le genre... Une pièce à thèse ? Non ! Avec Blanche-Neige, son premier spectacle jeune public, Michel Raskine excelle à réunir tout les éléments foutraques dans ce qui fut un des temps forts d'Avignon l'été dernier.


« Spectacle pour adulte à partir de 8 ans » préférait-il dire cet été dans la Cité des Papes. Ainsi Michel Raskine se détachait de l'étiquette "jeune public" dans laquelle il était programmé. C'est une manière détournée d'affirmer que se trouvent dans cette création des nœuds sociétaux qui embrassent les considérations de chacun. Ainsi Blanche-Neige est-elle interprétée par un homme grimé (Tibor Ockenfels) et le Prince — d'habitude escamoté — par Magali Bonat (qui remplace pour cette série de représentations une Marief Guittier momentanément blessée). Il est question de libération de la femme d'un joug masculin d'arrière-garde.

De son mariage malheureux, elle s'échappe avec ce mot totem de l'époque « j'étouffe » et envoie valdinguer « la morale judéo-chrétienne » d'un mari qu'elle vouvoie mais à qui elle n'est pas fidèle, lorgnant du côté de Monsieur Seguin tout en regrettant de ne pas avoir accepté les avances de Peau d'âne. Travaillant fréquemment avec des auteurs vivants, Michel Raskine a commandé à Marie Dilasser, formée à l'écriture à l'ENSATT, ce texte où elle peut mélanger les contes tout en continuant à filer sa préoccupation pour l'écologie (elle a élevé des truies fut un temps !) qui traverse ses précédents écrits. Le bruit des bagnoles a remplacé celui des oiseaux nous dit la lune.

« Grognasse ! Féministe ! »

L'autre force de ce spectacle est née d'une contrainte : utiliser les objets, car c'est au Théâtre de la Licorne à Dunkerque, dédié aux compagnies pour qui l'objet et la marionnette sont essentiels, qu'il a été répété. Voici que la lune devient un parangon du miroir de Grimm et délivre ses sentences. Tout est manipulé à vue par un troisième larron au plateau, le technicien Alexandre Bazan nommé Souillon. L'utilisation astucieuse de cette boîte à jeu qui abrite 101 nains — mais aucun dalmatien — permet à Michel Raskine d'exprimer à plein sa capacité à articuler des récits burlesques (tout est ici très drôle) et alambiqués qu'il rend en définitive très fluides et limpides à l'image de ce qu'il fit jadis au Point du Jour avec, par exemple, Barbe-bleue, espoirs des femmes de Dea Loher ou Me zo gwin ha te zo dour ou Quoi être maintenant ? d'une certaine... Marie Dilasser. C'était en 2007.

Blanche-Neige histoire d'un prince
Au Théâtre de la Croix-Rousse du mardi 21 au samedi 25 janvier


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