Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part

Jean-Pierre, qui s'est jadis rêvé comédien, a depuis rejoint avec succès le négoce des vins. Aîné d'une fratrie comptant Juliette (une prof démangée par l'écriture et tout juste enceinte), Mathieu, employé timide et Margaux, photographe en galère, il traverse une phase difficile…


En transposant à l'écran l'ouvrage homonyme d'Anna Gavalda, Arnaud Viard s'est attelé à un double défi. D'abord, d'unifier les nouvelles du recueil en une seule trame narrative sur le modèle de ce qu'avait accompli Robert Altman à partir de Neuf histoires et un poème de Carver pour bâtir son Short Cuts. Ensuite, de prendre le risque de décevoir les millions (oui oui) de lecteurs — voire adulateurs — de l'autrice qui avaient pu se forger du recueil leurs propres images.

On ne contestera pas l'option choisie, évitant le morcellement du film à sketches, ni le choix de la distribution (les comédiennes et comédiens sont globalement bien trouvés, en particulier Rouve et Taglioni, quand la douleur les traverse comme un fantôme puis les habite). Mais quelle plaie de devoir, encore et toujours, subir ces destins de familles parisiennes pseudo normales, c'est-à-dire forcément pourvues d'une gentilhommière en province ou en grande couronne, où l'on se rend pour les anniversaires d'ancêtres et la Noël (et les chamailleries afférentes). Il y a quand même une douce contradiction — frisant l'oxymore — à vouloir à la fois parler de l'intime ordinaire des gens normaux et multiplier les signes extérieurs de richesse, ce cinéma partant du postulat que tout doit toujours être aussi impeccable que dans une réclame.

Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part
Un film de Arnaud Viard (Fr, 1h29) avec Jean-Paul Rouve, Alice Taglioni, Benjamin Lavernhe…


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À ton image : "Le Photographe"