Benni

Benni, 9 ans et quelque, a un passé traumatique et une mère défaillante qui la font sombrer dans des crises d'une incoercible violence à la moindre contrariété. Ayant déjà usé toutes les patiences et solutions des services sociaux elle trouve en Micha, son AVS, un possible espoir…


Des hurlements à déchirer cœur et tympans, une rage indicible ancrée au plus profond des tripes ; des poings, des pieds prêts à voltiger en tout sens si par malheur quelqu'un d'autre que sa mère lui touche le visage et de trop brèves accalmies… L'existence de Benni, criarde jusque dans ses vêtements, ressemble à un sismogramme bondissant sans cesse de crête en crête, où chaque crise est suivie d'un black out cotonneux hanté de flashes roses — souvenirs-refuges, limbes de la vie d'avant de cette gamine affamée d'une mère dépassée.

Souvent éprouvant parce qu'il montre une succession d'impasses éducatives et affectives, parce qu'il présente des faux-espoirs ou des situations de danger pour Benni ou pour son entourage, parce qu'il rend visible l'absence de solutions de prise en charge pour ces mineurs en souffrance, à un âge où une réparation psychique serait possible, Benni n'a rien d'une “belle” histoire. Nora Fingscheidt « porte la caméra dans la plaie », pour transposer l'expression d'Albert Londres.

Comment ne pas penser, devant sa course finale, à une évocation des 400 Coups de Truffaut — après tout, Benni est une petite sœur contemporaine et germanique d'Antoine Doinel ? Une même suspension du temps la clôt, porteuse d'une interrogation identique : passé ce fugace instant de liberté, que deviendra-t-elle ? L'avenir lui est certes ouvert, mais les fractures resteront présentes… Benni a raflé l'essentiel des Lola — les Oscar allemands — au printemps dernier, dont celui de la meilleure actrice pour la jeune Helena Zengel. Au regard de la force de son interprétation, cela n'a rien d'étonnant.

Benni
Un film de Nora Fingscheidt (All, avec avert., 1h58) avec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide…


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