La course à l'abîme : "Midnight Runner"

Champion de course, Jonas s'entraîne avec une ombre au-dessus de la tête : celle de son frère mort, qui jadis le soutenait. Déséquilibré par son absence, il se met à agresser des femmes nuitamment. Le jour, il donne le change : personne ne réalise vraiment la gravité de son état…


Froid, clinique, sec… Tel semble Jonas, tel paraît être le film. Voudrait-on appuyer sur des clichés que l'on incriminerait en sus la rugosité du dialecte suisse-allemand, l'ambiance hivernale des entraînements dans les forêts boueuses ou sur le pavé bernois et l'image bleuâtre ! Nul besoin d'ajouter que Baumgartner s'est inspiré d'un fait divers pour charger la barque de ce douloureux long-métrage peu bavard, et cependant fascinant dans sa limpidité : le mal-être de Jonas évident, dévorant, obsédant et antérieur à la disparition de son frère — on découvrira qu'ils ont tous deux été placés dans une famille d'accueil — n'est plus apaisé par la pratique hypnotique du fond. Il a trouvé un dérivatif plus puissant dans la transgression d'un interdit ; une décharge d'adrénaline supérieure aux endorphines. Une pulsion contre la raison.

Généalogie d'un processus criminel, Midnight Runner montre sans effet — si ce n'est des cauchemars trouant les nuits sans sommeil de Jonas comme autant de protestations subconscientes — l'effarement du névrosé répétant ses passages à l'acte, adressant des courriers d'excuses à ses victimes… Paradoxal coureur implorant au fond de lui qu'on l'attrape et qu'on le retienne pour qu'il soit enfin délivré…

Midnight Runner
Un film de Hannes Baumgartner (Sui, 1h32) avec Max Hubacher, Annina Euling, Sylvie Rohrer…


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Les Sète cents coups : "Jeunesse sauvage" de Frédéric Carpentier