L'arc-en-ciel de la gravité


Lorsqu'on a découvert l'existence d'Animali au milieu de la décennie passée avec deux EP aux titres échevelés, The spark, and three others poorly-produced pieces of music et This plane's going down, are we all gonna die ?, on avait été immédiatement frappé, et très fort, par le sentiment de voir germer une sorte de jumeau français des flamboyants et détraqués Flaming Lips.

Ainsi que par le naturel déconcertant, et surtout le talent, avec lequel le groupe assumait la chose sans jamais risquer de souffrir de la comparaison. Mais au fond, ses membres l'avouent bien volontiers aujourd'hui, tout ceci n'était pas bien sérieux. Les années passant, Julien Jussey et Benjamin Richardier ont su et voulu se dégager de cette tutelle à l'ombre de laquelle ils allaient forcément tourner en rond.

Cela pour livrer le très classieux Mary D. Kay qui continue d'étaler des préoccupations pas toujours réjouissantes (du genre : le monde court à sa perte et ne trouve rien de mieux que d'accélérer) déjà présentes il y a cinq ou six ans, mais pétries avec davantage de soin et de profondeur. Évoluant au passage vers un classicisme pop qui a su conserver un peu de sa troublante folie, de son mystère et de sa schizophrénie : allez donc déterminer si l'on a affaire ici à un disque rassérénant ou enclin à nous jeter dans des abîmes de désespoir — parce qu'en fait un peu, et même beaucoup, des deux.

Entre pièces montées de cordes (Able Archer, Genetic Bomb), easy listening couleur Californie (Goodbye Sunday Aerobics), envolées cosmiques (The Acrobats), mélodies ascensionnelles crypto-soft rock (Connie & Blyde part.1) ballades lancinantes (Survival of The Filthiest, Connie & Blyde part.2) et basses rondes comme des queues de pelles (un peu partout), Animali nous étourdit dans un bel entrelacs d'injonctions contradictoires. Et vient poser des couleurs sur sa (notre) mélancolie. Un arc-en-ciel sur sa gravité.

Animali, Mary D. Kay (Archipel / Mikrokosm)


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Animali : « on nous a souvent traité de branleurs »