Lucky Strike

Un employé de sauna dans le besoin découvre un sac plein de billets dans ses vestiaires ; un agent de l'immigration véreux dont la petite amie s'est volatilisée doit de l'argent à un mafieux ; des cadavres coupés en morceaux sont retrouvés ici et là. Tout est lié. Vous aimez les puzzles ?


Parasite de Bong Joon-ho ayant par son succès international vaincu les ultimes réticences du grand public à l'égard du cinéma coréen, l'heure est venue pour cette production des plus fécondes de toucher ses dividendes. Pourquoi s'en priver ? Thriller patchwork aux accents tarentinesques, Lucky Strike peut capitaliser sur l'aura de Parasite dans le registre “policier à emboîtements et retournements de situations multiples“ : Kim Yong-hoon ne se prive pas d'entremêler plusieurs fils dans son intrigue, faisant se croiser temporalités et protagonistes autour d'un seul enjeu universel : récupérer de l'argent. Un argent qui sent mauvais puisqu'il est illicite ; obtenu par corruption, usure, trafic, escroquerie, meurtre, vol, chantage, héritage… Un argent caché dans une sacoche de luxe et qui attire la mort comme une bouse le scatophage du fumier.

Par sa composition chapitrée, la propension des demi-sels de l'histoire à ourdir des stratagèmes pour embobiner un chef de la pègre, Lucky Strike évoque une version trash et dynamitée de L'Arnaque (1973) à la sauce hémoglobine ; l'intrigue volontairement touffue renvoyant plutôt au Grand Sommeil (1946). Tutoyant le plus cru des réalismes par ses personnages aux contours terriblement humains — on croirait un digest de la Comédie humaine : problèmes de fin du mois, de violence conjugale, de superstition, de sénilité des aînés, d'employeurs mesquins… —, ce polar mâtiné de séquences grand-guignol est tempéré par un humour macabre irrésistible lui conférant au bout du compte une dimension morale et philosophique.

Lucky Strike
Un film de Kim Yong-hoon (Cor du S, int.-12 ans, 1h48) avec Jeon Do-Yeon, Woo-Sung Jung, Seong-woo Bae…


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Les trésors en Agfacolor de Paul-Émile Nerson