Il ne faut pas craindre l'épreuve de la durée ni l'errance dans toutes ses dimensions face à Abou Leila, objet cinématographique transfigurant un épisode de l'histoire politique récente de l'Algérie à travers les yeux d'un policier rendu fou par la guerre civile. Road movie aussi mental que géographique, ce premier long-métrage se distingue en naviguant également dans le temps, hors des balises normatives d'une trop stricte linéarité, épousant autant que possible les cauchemars hallucinatoires du flic obsédé par sa cible.
Bad trip au sens propre, le voyage se double d'une évocation des Algéries — pluriel signifiant, puisqu'entre la métropolitaine Alger au nord et les sahariennes dunes désertiques au sud, on a bien affaire à un pays double, ou partagé. De cette dichotomie à la schizophrénie paranoïaque du personnage ou au mal-être ambiant de toute la population, il n'y a qu'un pas.
Progressant par crises successives et violentes, Abou Leila trouve son apothéose dans un finale d'un symbolisme stupéfiant, digne d'un conte épique, hypnotique comme du Van Sant ou du Antonioni. Comme un souffle de magie tragique.
Abou Leila
Un film de Amin Sidi-Boumedine (Alg-Fr, int.-12 ans, 2h15) avec Slimane Benouari, Lyes Salem, Meriem Medjkane…