Le Nid de Poule devient couveuse

Fin de partie pour Le Nid de Poule. Après trois d'activité, ses fondateurs partent développer une agence d'accompagnement artistique, imaginée avant le Covid : le Grand Nid de Poule. En espérant que le lieu reste une scène artistique. Et que leur festival à l'Amphi des 3 Gaules, la Basse-Cour, connaisse une seconde édition l'an prochain...


Quelles étaient vos intentions quand vous ouvrez le lieu — non subventionné — en novembre 2017 ?
Joseph Elbaz 
: On voulait professionnaliser des pratiques qu'on avait en amateurs. On était assez étrangers à l'écosystème du théâtre. On faisait partie d'une association, Le Clap, qui présentait des spectacles vivants et audiovisuels. Ç'a pris de l'ampleur (partenariat avec les Subsistances) et on a voulu ensuite avoir un local pour l'asso ; ç'a pris du temps, celui de la maturation du projet. Finalement, on s'est monté en coopérative pour se professionnaliser et on a créé le Nid de Poule en achetant le fond de commerce de l'ancien Théâtre de l'Étoile Royale, rue Royale. On a travaillé ici avec des compagnies en cours de professionnalisation, certaines sortaient d'écoles. On s'est inscrit dans les réseaux professionnels, car la structuration de la filière salle et rue nous intéresse.

Marion Viquesnel : On a toujours eu la volonté de mêler théâtre et musique car l'objectif était d'avoir un lieu festif : on voulait mixer le public, faire en sorte que l'espace soit connu par diverses facettes.

JE : C'est aussi un projet politique qui s'est dessiné sur le mode d'organisation (une coopérative) et sur la place donnée au théâtre qu'on appelle populaire — même si le terme est galvaudé — et exigent avec une forme accessible et un fond souvent politique.

En 2017-18, 70 groupes sont passés ici ainsi qu'une dizaine de compagnies. Lors de la saison 2018-19, dans cette salle de cent personnes en configuration debout, on fait 294 levers de rideaux, on a accueilli 25 compagnies et 6000 spectateurs — 8000 en comptant le festival Basse-Cour, en plein air, à l'Amphi des 3 Gaules. Cette saison, on a annulé 52 dates avec le confinement et les 48 dates de la Basse-Cour sur les 280 prévues.

MV : Mais même avec ces annulations, on a fait les 6000 spectateurs de l'an dernier. Tout fonctionne en partage de billetterie ; l'autre rentrée d'argent émane de la partie bar et, de façon annexe, la privatisation (ateliers théâtre, partenariat avec l'Université de Lyon...).

Pourquoi, malgré ce succès, fermez-vous cette salle ?
MV
 : Depuis cette saison, nous avons co-produit cinq spectacles, en accompagnement, pas de façon numéraire... En décembre nous nous sommes dit qu'il fallait faire des choix et nous avons souhaité nous consacrer à la production et au festival. L'accueil quotidien du public et des artistes prend beaucoup de temps.

JE : On s'est formé toute l'année, via l'AFDAS, à ce métier pour acquérir les outils et solidifier nos bases et nos pratiques. Nous travaillons sur plusieurs projets (l'un, par exemple, de la compagnie du Bouc Émissaire dont les membres sont issus de la Comédie de Saint-Étienne et de l'ENSATT, un autre sur Carlos Ghosn de la compagnie des Aperçues mis en scène par Fabien Rasplus, artiste associé au CDN de Toulouse). Notre association, Le Grand Nid de Poule, sera un bureau d'accompagnement, d'administration de productions.

Où vous implantez-vous ?
MV :
Nous allons à  Villeurbanne, dans une friche temporaire qui se crée suite à une destruction aux Gratte-Ciel, dans le prolongement de l'avenue Henri Barbusse, en attendant la construction d'immeubles dans trois à cinq ans. Un collectif d'architectes s'y installe et une quarantaine de structures vont loger dans ces 10 000 m².

JE : Cependant, on aimerait beaucoup rester à Lyon 1er pour travailler avec la nouvelle équipe municipale, des choses super peuvent être faites.

MV : Et on aimerait garder le festival à l'Amphithéâtre des 3 Gaules qui va être désormais notre seul lieu de diffusion à l'année. L'an dernier, le public était ravi qu'on ouvre cet endroit et on a eu une bonne fréquentation pour le théâtre et la musique, et même très bonne pour le cinéma en plein air. L'objectif était surtout d'expérimenter ce lieu, d'y faire des choses. Cette année, nous avions prévu de l'ouvrir non plus sur cinq semaines mais neuf (29 mai — 1er août). Nous espérons y revenir en 2021 et que, par ailleurs, la salle du Nid de Poule reste à vocation culturelle, peut-être axée sur les musiques actuelles.


<< article précédent
Lilian Auzas : Ein Berliner