L'Ardèche, en flèche

Y être allé, y aller, y retourner. L'Ardèche, quasi deux fois moins peuplée que la ville de Lyon, n'offre pas "que" des balades en kayaks et la copie de la Grotte Chauvet. C'est aussi une terre qui choie ses artistes à commencer par le peintre naïf Yankel, disparu en avril à l'aube de ses 100 ans. Balade artistique sur cette terre amie.


330 000 habitants, plus petite préfecture de France (Privas), 3500 km de routes mais pas d'autoroute ni la moindre gare de voyageur de chemin de fer, l'Ardèche est paradoxale. Cette terre aux 900 dolmens (plus qu'en Bretagne !) est aussi un nid d'artistes, en témoigne cette école Roger Planchon à Privas (puisque le dramaturge est originaire de ce département où il situa son Cochon noir) ou encore l'existence une SMAC, un pôle national de cirque, un CNAREP (arts de la rue) et même un CDN posé à Valence mais sous-nommé Drôme-Ardèche. Et bientôt un centre d'art contemporain au château d'Aubenas à l'horizon 2023.

Yankel, sa (dernière) saison

En 1952, Yankel, fils de Kikoïne qui est déjà, comme son père,  un peintre renommé et a croisé à Paris, dans l'atelier La Ruche, les plus grandes figures du XXe siècle (Chagall, Modigliani...), s'ancre dans une ancienne coconière à Labeaume. Il y meurt le 2 avril dernier à 17 jours de ses cent ans. Le Département avait déjà prévu de fêter — avec lui — cet anniversaire et de rendre hommage à son travail de la matière, de la récupération. Ses sculptures volontairement rouillées par le temps et ses peintures sortent de sa maison. Mais auparavant, cet hiver, le photographe Matthieu Dupont a su saisir la malice de ce géologue qui n'aura cessé de dévier joyeusement de son chemin ; ses clichés sont accrochés, entre autres, dans un coin de l'église romane de Balazuc, l'un des deux sites ardéchois estampillés "plus beaux villages de France" (avec Vogüe). Cette Saison Yankel se dissémine partout sur le territoire puisque — et c'est heureux — le département n'a pas de pôle d'agglomération centrale : au musée des Vans (ouverture de l'expo en septembre), dans le jardin classé "remarquable" du Château des Pins à Fabras et à la galerie Mirabilia (Lagorce). Un documentaire de Christian Tran a aussi été réalisé à cette occasion. « Tout le monde ne peut pas être Soutine ou Bach, j'ai quand même le sentiment d'avoir inventé une chansonnette » déclarait modestement Yankel dans Pis que peindre (éd. Chimères, 1991), un ouvrage rétrospective.

Alba, le cirque et l'antiquité

C'est peu dire qu'Alba-la-Romaine accueille un festival délicieux où l'excellence des propositions artistiques rivalise avec l'ambiance douce et peu onéreuse concoctée par l'équipe du Pôle national Cirque dirigé par le clown Alain Reynaud. Annulée, la 12e édition se transforme et se reporte partiellement et gratuitement les 10 et 11 octobre, en partie dans un amphithéâtre gallo-romain largement restauré cette année, retrouvant notamment sa scène passant au dessus d'une rivière — une rareté. Un peu plus de 500 spectateurs pourront y trouver place contre 3000 lors de son édification il y a 2000 ans. Les objets trouvés lors de ces fouilles sont exposés dans le musée adjacent. Quant au cirque, il existe chaque jeudi de juillet à 18h30 le temps d'un apéro artistique sur la base du Pôle national, un ancien cloître à Bourg-Saint-Andéol. Entrée libre !

Randonner cultivé

L'Ardèche sait rendre l'effort doux. Il y a la Dolce via, cette ancienne voie ferrée, au centre du département qui permet de rapidement prendre l'air, en vélo, depuis Lyon. C'est à 1h30 et c'est plus agréable que la presque trop roulante Via Rhôna.  Il y a aussi deux parcours de randonnées sur lesquels hse trouvent des œuvres artistiques. La ligne de partage des eaux (au-dessus des sources qui mènent à la Méditerranée et à l'Atlantique), dans le parc des Monts-d'Ardèche, est parsemée, sur 120 km, d'installations comme cette Tour à eau d'un chantre du paysagisme, Gilles Clément. Il est aussi présent sur la boucle beaucoup plus courte — 15 km — du Sentier des Lauzes, dans la vallée de la Drobie, avec un Belvédère des lichens. Vous trouverez aussi sur ce chemin une armoire dont chacun peut devenir co-priopriétaire et assister une fois par an à une AG ! Dernier né, toujours en collaboration avec les habitants, Les Yeux de la Sueille du nom du ruisseau aux abords duquel Jan Kopp a posé plus de 200 cercles miroir en inox. Cet Allemand, quadra, désormais lyonnais a été exposé ces dernières années, avec brio, à la fondation Bullukian ou à la Biennale d'Art Contemporain.

Le Teil consolidé

Encore si endolorie par le séisme du 11 novembre dernier ressenti jusqu'à Lyon, Le Teil panse se blessures apparentes (un bout de clocher au sol, des parpaings métalliques pour tenir les murs des maisons de mille habitants déplacés). C'est ici que s'est installé Olivier Rey après avoir créer un Lavoir Public vivifiant et si gay-friendly sur les pentes de la Croix-Rousse. Là-bas, il y a avait déjà de la permaculture depuis deux ans, le metteur en scène y amène une scène pour des concerts, un terrain de pétanque, un bar et bientôt le LOL (Lieu Ouvert Ludique) en septembre et un minigolf artistique. Dès cet été, place aux Summer Camps avec spectacles, DJ et une ancienne serre transformée en salle à manger. Bienvenue au dance-fleurs !

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