La curiosité, un joli défaut

C'est une excellente nouvelle pour le quartier de Vaise : une librairie flambant neuve vient d'ouvrir ses portes rue de la Claire. En musique et après plusieurs cafés, rencontre avec son fondateur, Lionel Bosnier. 


Pugnace. C'est le mot que choisit Lionel Bosnier pour décrire son état d'esprit à la librairie Les Mangeurs d'Etoiles. Il en a en effet fallu de l'énergie à cet ancien directeur éditorial pour ouvrir ce nouveau lieu de vie au cœur de Vaise. Tombé sous le charme de ce quartier à son image, le libraire a reçu un soutien important à la fois des habitants, mais aussi de la Région, de la DRAC et du CNL. Autant de raisons de penser que cette partie du 9e arrondissement de Lyon, lieu d'un véritable brassage culturel, méritait la création d'une librairie à la hauteur de ses concitoyens.

Enfant turbulent, cet ex-footballeur n'aimait pas beaucoup la lecture jusqu'à ce que sa mère commence à lui lire le roman Les Indes noires de Jules Verne. C'est au second chapitre qu'il se surprend à se prendre au jeu : il ne se passera plus jamais des livres. Plus tard, lassé des a priori et des préjugés auxquels il fait face durant ses études, il se réfugie dans l'écriture — et accomplit ainsi ses premiers pas dans l'édition. L'étudiant en Histoire accumule les rencontres et fourbit ses armes au sein de groupes prestigieux comme Gallimard ou Libella. Mais depuis ses vingt ans, l'amoureux des livres déçu de l'absence de projet commun n'a qu'un seul crédo : faire ce qui lui plaît « à fond, sérieusement, tout en sachant que ça peut ne pas marcher ».

2000 références jeunesse

S'il avait déjà été libraire durant cinq ans à Besançon et à Pontarlier, il se demande en arrivant à Lyon si recommencer un tel projet n'est pas un fantasme. Et s'il peut encore se réinventer. Nul doute que Les Mangeurs d'Étoiles se fondra parfaitement dans le maillage des librairies lyonnaises. Ouverte depuis un mois et demi, celle-ci attire déjà les riverains ravis. Ici, pas question d'imposer des idées, il y en a pour tous les goûts ! Le libraire souhaite que l'on entre sans se poser de questions : les gamins, les personnes âgées, ceux et celles qui rentrent des courses, ou bien les parents avec leurs poussettes... Tous peuvent se presser dans la librairie et demander conseil.

Si le gérant choisit avec sérieux les livres qu'il propose, il souhaite avant tout offrir une main tendue aux habitants du quartier et créer une complicité avec les lecteurs. Les enfants, auxquels sont proposées plus de deux mille références, ont déjà investi les lieux. Il n'est donc pas impossible que vous voyiez débouler et déraper un gamin en trottinette au milieu des livres lors de l'une de vos visites... Des éditions méconnues du grand public sont aussi mises à la disposition des curieux : les éditions BONOO ou encore Le Port a Jauni. Cette dernière, cise à Marseille, édite des albums et de la poésie en langue française et arabe. L'idée de Lionel Bosnier est de montrer à chacun qu'il peut être représenté et qu'un livre l'attend dans sa boutique. C'est cette même volonté qui l'a poussé à donner le nom d'un roman de Romain Gary à sa librairie. Les Mangeurs d'Étoiles n'est certes pas l'œuvre la plus connue de son auteur, mais elle a la particularité d'être «celle où les émotions rejaillissent le plus». Elle décrit l'histoire d'un dictateur au cœur d'une Amérique latine changeante et où les mangeurs d'étoiles, des indiens désœuvrés, consomment des substances hallucinogènes pour échapper à leur propre vie. Il n'est pas question ici de nourrir l'imaginaire par quelques psychotropes, puisque les livres choisis par le libraire le font déjà si bien... Mais de rendre un hommage discret à  « un grand monsieur » et d'assimiler le lieu au rêve et à l'ailleurs. En attrapant les passants par surprise grâce à leur propre curiosité, cette nouvelle librairie aspire incontestablement à devenir un écrin de liberté pour les esprits vaisois.

Les Mangeurs d'Étoiles
29 rue de la Claire,  Lyon 9e
Du mardi au samedi de 10h à 19h, le dimanche de 10h à 12h


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À la fin, il n’en reste qu’un : "Africa Mia" de Richard Minier