Un chef d'œuvre russe dans les salles du GRAC


Il reste quelques ultimes séances pour découvrir dans le cycle “Octobre rouge“ programmé par la Ciné-Collection du GRAC Quand passent les cigognes de Mikhaïl Kalatozov, un classique soviétique Palme d'Or 1958 déjouant tous les clichés attachés au cinéma produit par l'URSS. Normal : il s'agit tout simplement d'un chef-d'œuvre de réalisation, d'innovation technique, esthétique et visuelle, dépourvu de surcroît de cette complaisance idéologique dont ce brave propagandiste d'Eisenstein faisait preuve. Sept ans avant ses affolants plans-séquences de Soy Cuba, Kalatozov était déjà ce sorcier dirigeant avec une fluidité inédite sa caméra dans d'interminables mouvements de foule, créant l'illusion d'un steady-cam — lequel ne serait inventé que… vingt ans plus tard.

Chaque image s'avère ici composée et savamment contrastée ; la netteté est cristalline du premier plan à l'infini de la profondeur de champ… Cette beauté virtuose en ferait presque oublier l'histoire triste de Véronika (la splendide Tatiana Samoïlova, un genre de Shirley MacLaine russe) dont l'homme part mourir à la guerre et qui se fait abuser par un planqué. Le fait qu'en 1957 l'on puisse se permettre de raconter un pur mélodrame sans faire l'article pour le drapeau rouge ni le Petit Père des peuples témoigne de “l'assouplissement“ de la période krouchtchévienne, laissant entrevoir quelque espoir pour les artistes. Une liberté qui s'impose doublement ici : formellement parfait, Quand passent les cigognes intègre pourtant des séquences abstraites quasi expérimentales toujours aussi efficaces. On sait qu'il influença Truffaut, Lelouch, Demy… Peut-être faut-il le considérer comme l'un des premiers films de la Nouvelle Vague…

Quand passent les cigognes
Dans les salles du GRAC jusqu'au vendredi 30 octobre


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