Abrégée par le confinement, la perturbante et implacable dernière création de Joris Mathieu revient sur scène avec une force encore supérieure. Vertige des temps actuels.
En marge ! n'aura vécu que trois soirs en mars. Et nous avait déjà conquis par sa clairvoyance et une certaine douceur, corolaire d'une forme de résignation. Harry (Philippe Chareyron) ne sait plus où est sa place dans ce monde. Il évolue dans un décor à double face entre un mur d'écrans qui annule toute compréhension du monde et un appartement vert à rendre aveugle, où deux humains errent comme des fantômes
Si parfois le dispositif massif peut lasser à force de tourner, il n'en est pas moins la démonstration glaçante qu'il n'y a point d'issue à cette existence, qu'Harry est coincé dans son bocal surblindé d'images et de paroles, fussent-elles enveloppantes comme le chabadabada de Lelouch ou les phrases échappées de chez Audiard, Godard et Kassovitz.
L'époque est aujourd'hui aux chaînes info (présentes ici) et au… virus qui « ont mutés d'endroit pour continuer à se développer, les humains doivent faire pareil » entend-on dans En marge ! Non pas que Joris Mathieu soit un visionnaire mais il regarde avec une attention ses contemporains et les réponses anxiogènes et liberticides à cette crise sanitaire ne sont peut-être pas si surprenantes que cela au vu du spectacle.
Ce spleen que Joris Mathieu fouille depuis longtemps déjà trouve ici une expression directe. Et de fait, le constat aride qui habite cette réflexion se mue en une forme limpide, drôle parfois. La lumière est là. C'était déjà le cas en mars. Ce devrait être décuplé en novembre. Joris Mathieu nous confiait récemment avoir retravaillé la fin de son spectacle « car il va désormais être regardé autrement. On ne va pas s'arrêter à la désolation, il faut aussi des perspectives ». Puisque « être triste ça ne mène à rien » nous dit Harry.
En marge ! (1h20)
Au TNG Vaise du mardi 3 au vendredi 13 novembre à 18h45
(relâche sam, dim, lun et mer 11) ; de 5€ à 20€