Les Petites Cantines : cuisiner, mais ensemble

Partis du constat qu'il y avait « beaucoup de lieux dans lesquels les individus se croisent sans jamais se rencontrer », Diane Dupré la Tour et Étienne Thouvenot ont fondé l'association Les Petites Cantines en 2016. Le réseau non lucratif de cantines de quartier permet à tout un chacun de partager un repas durable, à prix libre et participatif. Le concept a depuis fait du chemin : à ce jour, six petites cantines sont ouvertes en France, dont trois à Lyon !


9h30. Les « cuistots du jour » arrivent doucement à la Petite Cantine de Perrache. C'est surprenant au premier abord : il s'avère que l'association partage la salle des petits-déjeuners et la cuisine de l'hôtel du Simplon. Nous sommes accueillies par Lucie Lambert, vingt-quatre ans et maîtresse de maison. Cette dernière est la « garante » du fonctionnement de sa tablée : courses, management de la cuisine, accueil des convives, gestion du groupe de jeunes en service civique qui lui prêtent main forte, organisation, animation, communication et comptabilité… Chaque cantine est tenue par deux maitresses de maison travaillant au bon déroulement des repas, pour le plus grand bonheur des convives. Car oui, ici, on ne dit pas « client » mais « convive » !

Ceux qui viennent manger ne se contentent pas de mettre les pieds sous la table : confection du repas, vaisselle, service, distribution du pain… Comme en famille, les tâches sont divisées et le partage se poursuit jusque dans l'assiette. Lucie explique : « l'objectif n'est pas de venir manger à prix libre. C'est de parler avec ses voisins de table et d'avoir une coopération ». Si le prix de l'adhésion et du repas sont bien libres, l'ancienne étudiante en communication se veut transparente. Un repas vaut 12€ et comprend l'alimentation, les charges, la location du local et le salaire versé à la maîtresse de maison. S'il rend l'initiative fragile économiquement, le prix libre est le garant de la « mixité sociale » au sein de ces cantines : « on ne voulait pas imposer un prix fixe. Si on met le repas à 5€, les personnes qui mettent facilement 15 ou 20€ vont penser que c'est pour ceux qui n'ont pas de budget. Et inversement. Ceux et celles qui ont peu de moyen peuvent venir souvent aux Petites Cantines en mettant ce qu'ils peuvent ». Même si les profils sont variés, Lucie déplore le manque d'étudiants : « les habitués sont des gens qui ont du temps, donc il y a des personnes en chômage ponctuel ou en reconversion, des retraités aussi. Cela nous permet d'avoir différents profils ! »

Nous finirons par échanger nos numéros

Nous étions sept ce matin-là à venir cuisiner pour le repas du midi, auquel étaient attendus quinze convives. La rencontre débute par une petite présentation autour d'un café avec comme amorce, une question étrange quoique pertinente : « qu'aimez-vous faire sous la pluie ? ». Parmi les profils du jour, plusieurs cuisiniers ou aspirants restaurateurs. Après un rappel des consignes sanitaires (accentuées par la Covid-19), les participants enfilent les tabliers et s'affèrent au partage des tâches. Séverine, Morgan et moi-même avons la charge de l'entrée : une salade de carottes, betteraves, salade et pois chiches. Blandine et Kévin sont responsables du plat principal : un tian de légumes accompagné de boulgour. Enfin, Murielle et Pablo finissent en beauté par la préparation d'un dessert incontournable des Petites Cantines : un cake au pavot et au citron.

Les recettes sont toutes élaborées à partir de produits frais et bio. Les fruits et légumes sont récupérés auprès des invendus (consommables mais invendables) du magasin La Vie Claire. Le reste des courses se fait auprès du groupement de producteurs Récolté, de l'épicerie en vrac indépendante Day by Day, de la boulangerie rue Franklin et du Super U. Lucie met un point d'honneur à promouvoir une alimentation responsable et à faire vivre les petits commerces locaux. Aux alentours de midi, les convives ayant réservé (conditions sanitaires obligent) commencent à affluer dans la salle à manger. Cette dernière est décorée dans un style vintage/brocante. Les armoires sont remplies d'assiettes et de tasses dépareillées, comme à la maison ! On peut observer la liste des menus thématiques de la semaine à venir : crêpe party, battle de fondants au chocolat, repas indien… Les plats tournent entre les tables et les convives apprennent à se connaître quand ce n'est pas déjà fait. À ma table, je rencontre Clara. Ancienne barcelonaise, elle habite désormais à Lyon. Nous finirons par échanger nos numéros pour nous revoir et s'apprendre mutuellement notre langue maternelle.

Une frontière entre l'intime et l'universel

La co-fondatrice de l'association, Diane Dupré la Tour, insiste sur la dimension avant tout « sociétale » du projet : « on veut contribuer à construire une société fondée sur la confiance, grâce à des relations de qualité qui nourrissent affectivement, intellectuellement et aident à se construire, à avoir une meilleure capacité de rebond, plus confiance en soit, en les autres et en l'avenir ». Elle précise que le choix de se retrouver autour d'un repas n'est pas anodin : « c'est une frontière entre l'intime et l'universel, un trait d'union entre moi et les autres, un moment privilégié ». Le concept en séduit plus d'un, avec cent à trois cents appels par an de personnes intéressées pour lancer une Petite Cantine. L'association propose des formations « ça mijote » permettant d'accompagner les débuts de projets. Bonne nouvelle pour les Lyonnais : une nouvelle Petite Cantine ouvre dans le 3e arrondissement, et une autre est en projet à Oullins.

Les Petites Cantines
74 rue de la Charité, Lyon 2e
155 avenue Félix Faure, Lyon 3e 
108 avenue Paul Santy, Lyon 8e

37 rue Saint Pierre de Vaise, Lyon 9e


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