Jean Bellorini : « nous ne disons pas assez Égalité »

En salle, à quelques encablures de la cour d'honneur où il l'avait rêvé, Jean Bellorini a enfin donné naissance à son émouvant "Jeu des ombres" dans la Semaine d'art en Avignon, sous couvre-feu avant d'être amputée de sa fin. Hors du temps, flirtant avec vie et mort dans la langue ciselée, lunaire, exigeante et évaporée de Valère Novarina, il a pris de la hauteur sur ce bas-monde secoué par un virus. Dans ses habits de directeur du TNP, il nous a confié, au lendemain de l'intervention présidentielle annonçant le reconfinement, comment il aborde cette crise au sein du centre dramatique national de Villeurbanne qu'il dirige depuis le début de l'année.


Comment vous organisez-vous au TNP en cette crise sanitaire qui se durcit ? 
Jean Bellorini : J'aurais voulu tout mettre en œuvre pour que l'activité du théâtre ne s'arrête pas. Nous imaginions jouer très tôt, même le matin s'il nous avait été possible d'accueillir du public. Nous avions même évoqué la gratuité pour les étudiants par exemple afin qu'ils puissent venir assister au spectacle de Joël Pommerat,  Ça ira. À l'instant présent nous attendons les directives ministérielles en espérant pouvoir maintenir au moins l'utilisation des plateaux. Si c'est possible, nous allons imaginer des temps de travail en mettant à disposition le TNP et ses équipes au service des artistes.

Est-ce que la crise sanitaire hypothèque déjà les saisons futures ?
Oui, cela va commencer à être le cas. Jusqu'à présent nous avions réussi à reporter, ou au moins à honorer, nos engagements afin de programmer comme nous l'avions prévu et de ne pas créer l'embouteillage redouté. Avec ce nouvel arrêt annoncé cette semaine cela remet fortement tout en question... mais il nous faut prendre du recul et surtout ne pas prendre de décision hâtive.

Et pourtant c'est ce qu'on nous impose...
Non. On nous impose l'incertitude, pas forcément la prise de décision immédiate. Cessons de prendre la parole sur tout et n'importe quoi en permanence. Trop rapidement. Réagissons de manière pragmatique et concrète mais prenons de la distance. Refusons de participer au rétrécissement de la pensée avec nos réponses qui trop souvent sont dans la réaction. On parle en ce moment beaucoup de liberté d'expression et c'est fondamental. Mais nous ne disons pas assez Égalité. Or la culture et l'éducation c'est l'égalité pour tous. C'est la seule chose que j'ai envie de porter. Pas idéologiquement mais dans les actes. Rendre accessible, faire pour tous.

Le Jeu des ombres est programmé au TNP du 14 au 29 janvier 2021


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