Grand Hôtel-Dieu : pour NPG, « l'époque des artistes non rémunérés est révolue »

L'appel à participation gratuite de musiciens à une scène ouverte estivale au sein du Grand Hôtel-Dieu est restée en travers de la gorge de nombre d'artistes qui se sont exprimés sur les réseaux sociaux du centre commercial. L'adjointe à la Culture Nathalie Perrin-Gilbert a réagi vertement. 


« Une scène ouverte pour célébrer la performance artistique » : c'est ainsi qu'est présentée la programmation estivale et musicale du Grand Hôtel-Dieu, qui a installé dans la cour St-Henri une scène pour des concerts devant se dérouler tout l'été, dès le samedi 19 juin à 20h, jour où est programmée l'artiste folk Thaïs Té. Et c'est gratuit. Pour le public... Mais aussi pour les artistes : aucune rémunération n'est prévue pour eux. Et c'est bien là que se niche le problème. Le gros problème. Car nombre d'entre eux ont vivement réagi sur les réseaux sociaux à l'appel à projets lancé sur Instagram et Facebook. Pour résumer l'avis quasi général, le temps de l'artiste rémunéré en visibilité pour se faire connaître, c'est terminé. Musicien, c'est un travail, comme un autre.

Sur Facebook, l'organisation a répondu ainsi : « cette scène ouverte s'adresse essentiellement à des artistes en devenir. Nous souhaitons permettre à de jeunes artistes et groupes locaux de présenter leur talent en mettant à leur disposition une scène et des équipements professionnels. Nous sommes navrés que les conditions de cette animation estivale ne vous apportent pas satisfaction », ou plus loin, « par ailleurs, la prestation n'est pas rémunérée, l'objectif étant de permettre aux artistes d'obtenir une visibilité afin de se faire connaitre » — le mot "visibilité" déclenchant immédiatement les foudres des professionnels du secteur musical et culturel, exaspérés par ce mépris constant de leurs métiers, encore plus après des mois d'inactivité forcée par la crise sanitaire. 

Cette réponse d'une musicienne de la scène rock, Emma Donedroc,  résume le sentiment général, toujours sur la page Facebook du centre commercial : « je ne trouve pas ça honnête de faire un appel à projet d'une telle envergure en proposant du travail non rémunéré pour les artistes lyonnais. Dès lors que vous en tirez des bénefices, vous et vos commerçants, on parle donc de travail illégal. Donner de la visibilté ne peut être une contrepartie selon moi. Je suis curieuse de savoir comment réagiraient vos restaurateurs si vous leur demandiez de travailler gratuitement pour développer leur notoriété ? »

Lyon a adhéré au GIP Cafés Cultures en mars

Interrogée ce jeudi 17 juin au matin en marge d'une conférence de presse sur la Fête de la Musique, Nathalie Perrin-Gilbert s'est montrée très remontée : « je trouve cet appel à projets du Grand Hôtel-Dieu déplacé. C'est comme si nous à la mairie, on ne payait pas les artificiers pour le feu d'artifice du 14 juillet car il y a 50 000 Lyonnais qui les regardent et que c'est de la visibilité ! C'est hallucinant. J'ai déjà réagi sur les réseaux sociaux, mais je vais aussi m'entretenir avec eux. Cette époque des artistes non rémunérés est révolue. »

L'adjointe à la Culture s'est montrée d'autant plus véhémente que la Ville a adhéré au dispositif Groupement d'intérêt public (GIP) Cafés Cultures, créé au niveau national en 2015 et financé par les collectivités locales et le Ministère de la Culture, qui permet aux bars et restaurants d'embaucher des musiciens en toute légalité et de les payer pour leur prestation. Le nouvel exécutif a voté cette adhésion lors du conseil municipal des 25 et 26 mars 2021. Nathalie Perrin-Gilbert siège depuis cette date à l'Assemblée générale du GIP Cafés Cultures, en temps que représentante de la Ville, sa suppléante étant Camille Augey, adjointe au commerce et à l'économie. « La Ville a mis 50 000€ dans ce fonds d'aide ! » a déclaré l'adjointe à la Culture.

Contacté ce jeudi 17 juin au matin par l'intermédiaire de son service communication, Patrick Muller, le directeur d'exploitation du Grand Hôtel-Dieu en charge de la programmation estivale, n'a pas souhaité nous répondre et nous a fait transmettre par écrit cette explication : « les artistes professionnels sont rémunérés pour la scène ouverte d'Infiniment Estival. Concernant les groupes amateurs non professionnels, nous nous positionnons comme un lieu d'accueil sans rémunération afin d'en accueillir le plus grand nombre. »


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