Vivarium sous tornade

Pour clore la série de créations sous la tornade de papier des Subs, la metteuse en scène Mathilde Delahaye a été conviée à inventer un spectacle. Ce sera une installation de fin du monde. Plus que prometteuse, au vu d'un de ses précédents travaux.


Sortie en 2016 diplômée de la section mise en scène de l'école du Théâtre National de Strasbourg, Mathilde Delahaye livre depuis sa vision du théâtre déclinée sur un mode paysage. Régulièrement, elle s'installe dans des lieux très différents de ceux conçus pour une activité artistique.

En 2019, après avoir donné un premier jet de Maladie ou Femmes modernes d'après le texte d'Elfriede Jelinek aux anciennes usines DMC de Mulhouse, elle se posait dans le port de commerce de Valence lors de la dernière édition du festival Ambivalence(s) initié par Richard Brunel. Dans l'immensité de cet espace, les gradins accueillant le public étaient ridiculement petits mais le spectacle s'en est trouvé agrandi, comme amplifié par ce gigantisme qui jamais — prouesse — n'a écrasé le propos ; Jelinek elle-même évoquant « une lande sauvage avec des rochers. Au loin, collines, eau, etc. » 

Les silos, les abords naturels du Rhône, des tas de gravats… Tout cela était décor voire surface de projection. Avec sa troupe, la trentenaire a poursuivi le travail, avec Nickel. Ce spectacle — que nous n'avons pas vu — se déroulait à nouveau sur un lieu atypique, une usine qui devient au fil de la narration (signée d'elle-même et Pauline Haudepin) une boite de nuit puis un espace abandonné réinvesti par la nature. Au cœur du récit : l'exploration des « possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme ». Elle s'appuyait alors sur la double discrimination dont ont souffert les vogueurs : celle d'être noir et queer dans une communauté noire rejetée par les dominants.

Tous aux abris

Le projet que Mathilde Delahaye développe aux Subs est dans la lignée de celui-ci, même si elle tient à préciser qu'il ne s'agit pas d'un spectacle mais bien d'une « installation activée », car le principe instauré par les Subs est celui d'un temps de création court (une dizaine de jours) et d'une synergie avec l'œuvre en place — ici la Tornade de papier suspendue sous la verrière depuis avril. « À la fin de Nickel, un événement avait rendu l'air irrespirable et apparaissait une certaine végétation un peu résistante, parmi les dernières images, des scientifiques en combinaison jaune cherchaient le champignon de la fin du monde, rare et précieux pour les Japonais, qui ne pousse que dans les ruines du capitalisme selon la vraie histoire de l'autrice Anna Tsing, ils essayaient de créer des liens entre eux. Ce que l'on va faire sous la tornade est un peu la suite logique et poétique de cela, comme si des hommes et des femmes sortaient de la mine et se retrouvaient là. » 

Sous la verrière, il est donc question de placer un mini bunker anti-tornade devant lequel le spectateur peut aller et venir. Et, comme dans Nickel ou Maladie…, voir des amateurs et des professionnels se mêler.

Ce projet est aussi une façon d'aller vers les images pour elle qui longtemps (et ce n'est pas fini !) a travaillé sur des textes, dont celui de l'auteur logorrhéique Novarina. « Mon ADN profond de théâtre est le rapport aux mots, mais avec Nickel, je me suis dit que les moments textuels avaient une valeur égale à une image. Je suis en train de préciser ça dans le travail, comment une parole, rare, peut arriver comme une image texte ».

Fâchée avec aucune littérature, elle continue son expérimentation à l'invitation des Subs. La Tornade s'évanouira alors avec cette Impatience de Mathilde Delahaye mais les artistes plasticiens froisseurs Domitille Martin et Alexis Mérat reviendront pour accompagner la circassienne d'Inbal Ben Haim dont tous les agrès seront de papier et de carton. Prévu en novembre.

Impatience
A
ux Subs du vendredi 9 au dimanche 11 juillet à 21h 
5€ / 13€ / 16€ (+ une boisson offerte)


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