Un (f)estival de littératures noires

Né en bord de Saône, Quais du Polar s'offre une résurrection post-Covid de luxe en bord de Rhône et à l'air libre. Coups d'éclats, de soleil et lunettes noires à prévoir.


À quelque chose, malheur est bon : forcée de se décaler à l'aube de l'été pour éviter la parenthèse covidienne, cette 17e édition de Quais du Polar s'est adaptée, démultipliant les interactions avec la ville et l'air libre. Point de Grande Librairie dans le Palais de la Bourse cette année, mais une farandole d'étals s'étirant quai Sarrail en face, le long du Rhône, à la manière des bouquinistes — c'est ici que les autrices et auteurs viendront dédicacer. Pas d'espace jeunesse en intérieur non plus : à l'instar de Lyon BD, le Parc de la Tête d'Or est réquisitionné pour accueillir les auteurs et leur public sur la pelouse des Ébats.

Mais ce n'est pas tout : le festival a aussi créé de nouveaux formats, en théorie éphémères (2022 verra en effet le retour du festival à son calendrier normal) de “reconquête” de l'espace public. En plus de la traditionnelle Grande Enquête signée Christelle Ravey, saluons notamment l'hommage au regretté Bertrand Tavernier, matérialisé par l'une des promenades au programme (Sur les pas de L'Horloger de Saint-Paul) passant évidemment par le Vieux Lyon, ou celle concoctée par Éric Bouhier autour de la figure de Frédéric “San-Antonio“ Dard. Pour les cœurs bien accrochés, le parcours Lyon XIXe, et si on partait enquêter… dans le temps présente la particularité de brasser les remugles sordides d'une époque riche en faits divers en compagnie de deux auteurs : Gwenaël Bulteau et surtout Coline Gatel dont les romans Les Suppliciées du Rhône et Le Labyrinthe des femmes ont pour héros le précurseur de la police scientifique, le pape des Experts : Alexandre Lacassagne.

Si la marche vous décourage, vous pourrez opter pour Le Bus des Experts — excellente innovation qui mériterait d'être pérennisée —, où les bus à impériale du Lyon City Tour accueillent des conférences roulantes portant sur les scènes de crimes, les autopsies, etc. On ne sait pas si le petit sac en papier est fourni…

Plus de sang auteurs

Plus classiques apparaissent les rencontres délocalisées, non plus seulement thématisées dans les musées, mais à bord des Bateaux Lyonnais façon croisière ainsi qu'en terrasse (Cintra, Globe & Cecil) ou rooftop (Collège Hôtel, Maison Nô), histoire de siroter un p'tit noir en écoutant les fidèles à Quais du Polar  que sont Caryl Férey et Marin Ledun — car le festival a l'art de nouer de solides amitiés et d'élargir chaque année le cercle de ses intimes.

Triomphant des restrictions, l'édition 2021 accueille ainsi une centaine de plumes au nombre desquelles figurent une belle délégation  étrangère, dont les Belges Paul Colize et Adeline Dieudonné, les incontournables Britanniques R.J. Ellory et Iain Levison ou le prolifique Étasunien David Vann pour le (presque) optimiste Komodo.

Côté hexagonal, on signalera  deux autrices de talent : Hannelore Cayre (pour Richesse oblige) et la Toulousaine Gabrielle Massat qui, après son brillant Le Goût du rouge à lèvres de ma mère l'an dernier nous offre un nouveau héros éclopé tiraillé en fidélité et trahison dans Trente grammes. Ce n'est là qu'un aperçu imparfait d'une distribution prestigieuse comptant notamment trois Goncourt (dont le dernier, Hervé Le Tellier), des projections, des concerts (en compagnie de Rachid Santaki et Cyrious notamment). Rubalise sur le gâteau, Quais du Polar parvient vaillamment à maintenir le focus prévu l'an dernier autour du polar sud-coréen grâce à des visioconférence : Sea Mi-Ae ou Park Seo-Lyeon interviendront ainsi en direct du Pays du matin calme. Tout semble donc sous contrôle, mais qu'on ne s'y trompe pas : la versatilité météorologique peut offrir son pesant de suspense à ce Quais du Polar sans toit ni loi…

Quais du Polar
À l'Hôtel de Ville et partout dans Lyon ​du 2 au 4 juillet
Entrée libre, conférences sur réservation
www.quaisdupolar.com 


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