Raymond Depardon : une histoire de l'œil


Même si l'image fixe et l'image animée sont sœurs ou cousines, elles s'expriment dans des langages foncièrement différents, chacune obéissant à ses règles et codes propres. Maîtriser l'une relève du talent ; les deux de l'exception : combien rares sont les artistes à avoir accompli une œuvre suivie signifiante en photographie comme au cinéma ! Raymond Depardon appartient à cette catégorie, où chacune de ses “vies” aura contribué — et contribue toujours — à nourrir et renforcer l'autre.

Autodidacte, le Caladois débute par le reportage, la prise de vue sur le vif et sur le front. C'est dans l'urgence, la frénésie, les guerres mais aussi le décor aride et extrême des déserts qu'il forge son métier de reporter, à la fois témoin et passeur de “l'événement” — terme qui, dans son englobante singularité, renvoie à la vertigineuse pluralité de l'information. Dès 1969, le cinéma (principalement documentaire) vient compléter son regard, lui permettant d'explorer les faits sur la longueur, et de mettre au jour des dispositifs, ce que l'instant et le déclic n'autorisaient pas totalement.

Des dispositifs ou des rituels — le recueillement collectif, les mécaniques et “liturgies“ des institutions judiciaire, policière, journalistique ou médicale — faisant de son œuvre un saisissant travail ethnographique, aussi éclectique dans ses inspirations et soutenu que celui d'un Wiseman. Toujours attaché à la question du “territoire” (qu'il s'agisse de l'immensité des dunes ou d'un panorama rural) autant qu'à ceux qui l'habitent, Depardon “habite” lui aussi ses documentaires, hésitant de moins en moins à apparaître à l'écran — le fait qu'il signe désormais la réalisation avec Claudine Nougaret facilite sans doute cette mise en lumière.

L'Institut du même nom lui rend aujourd'hui un hommage pluridimensionnel à travers une rétrospective quasi-intégrale de ses réalisations, une exposition (Le Désert américain) et deux soirées inaugurales mardi 7 et mercredi 8 septembre autour de Journal de France et de La Captive du désert. Dans les incontournables de la rentrée, il n'y a pas photo.

Raymond Depardon
À l'Institut Lumière les mardi 7 et mercredi 8 septembre
Exposition Le Désert américain à la galerie Cinéma de l'Institut Lumère  du 8 septembre au 14 novembre


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