Arles, de l'antique au clic

C'est peut-être le meilleur moment pour y aller. Le soleil brille toujours, les Rencontres de la Photographie s'exposent encore pour quelques jours et les touristes se font plus rares. Entre la majesté des arènes, les clichés de Sabine Weiss et ceux des révolutionnaires soudanais, Arles est la halte incontournable de cette fin d'été.


Il y a son cœur doré à souhait par la chaleur réconfortante du sud, ses ruelles entrelacées qui mènent soit à l'imposant Rhône soit à un monument d'avant notre ère. Il y a aussi la Camargue qui la prolonge car Arles est la commune la plus grande, en termes d'étendue géographique, de France. Elle comprend notamment Salin-de-Giraud et ses camels de sel — sa voisine, à l'autre extrémité de la digue, les Saintes-Marie-de-la-Mer étant elles indépendantes. Depuis l'an dernier ce bastion communiste historique est tombé aux mains du "sans étiquette" de droite Patrick de Carolis, ex- patron de France Télé. Le théâtre est alors passé en régie municipale « pour rendre le théâtre plus accessible, selon les déclarations du maire lors du conseil municipal du 27 mai dernier. Le SYNDEAC (syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) a dénoncé dans un communiqué « un projet aux relents populistes » ce dont l'édile se défend. Pour l'instant, il est l'heure de profiter des richesses inestimables de cette ville et de découvrir d'un même coup un lieu historique et les artistes qui y exposent leurs photos. Grand écart salvateur.


Patrimoine

Les arènes (amphithéâtres). Troisièmes plus grandes arènes de France après Nîmes et Béziers, 20e plus vastes du monde, celles d'Arles pouvaient accueillir jusqu'à 20 000 spectateurs. Édifiées dans le Ier siècle après JC, bien conservées et bien restaurées depuis leur désenfouissement au milieu du XIXe siècle, elles accueillent aujourd'hui essentiellement corridas et ferias. Ville dans la ville au Moyen-Âge, plus de 200 maisons y prenaient place.

Le théâtre antique. Avec le même ticket, vous pouvez vous rendre dans le monument voisin, le théâtre antique construit quelques années avant les arènes. En demi-cercle d'une capacité actuelle de 2500 places, il a été dégagé des habitations à partir de 1827. Il ne reste du mur de scène que quelques colonnes. La scène, la fosse, l'orchestre et les gradins sont parfaitement en état.

Arènes + théâtre antique 7€/9€


Rencontres de la photographie

Sabine Weiss, une vie de photographe. Elle a 97 ans et a encore largement contribué à cette exposition qui retrace son œuvre entamée dans les années 1940,  empreint de nuit comme ce cliché de Dijon nimbé de noir ou cet homme allumant une cigarette qui parait être un brasier. Ce noir et blanc, elle va le conserver toute son existence auprès des gamins de Tolède comme de Saint-Cloud, dans un établissement pour aliénés mentaux comme dans la rue. À en regarder ces images, elle est aussi à l'aise avec eux qu'avec les puissants et les paillettes. Son travail pour Vogue et Life lors de la présentation de la collection d'Yves Saint Laurent pour Dior en 1958 en témoigne. C'est aussi une ribambelle d'artistes qui se donnent la main dans cette expo : Niki de Saint Phalle, Giacometti photographié dessinant sa femme Annette dans le Paris de 1954 ou Françoise Sagan, ingénue, allongée sur un tapis qui tape sur une machine à écrire. Rare femme photographe professionnelle à cette époque, Sabine Weiss ne s'est enfermée dans aucune catégorie captant aussi bien un chat s'échappant de la grille d'un portail qu'une Romy Schneider en pleine séance de maquillage dont la maquilleuse, dans le miroir, a mystérieusement disparu…

À la Chapelle du museon Arlaten de 10h à 18h ; 12€


Thawra! ثورة Révolution ! Puisque les médias mainstream vont trop vite et délaissent certaines actualités, les photo-reporters s'en emparent avec bonheur et talent. C'est le cas dans cette exposition consacrée à la révolution de 2019 du Soudan. Dans un quartier de la ville, cerclé de check-points, les Soudanais ont mis fin à 30 ans de dictature de Omar el Bechir. Huit photographes du pays montrent les sit-in devant le ministère des Armées, les visages de ces hommes et femmes qui ont renversé leur existence. Captivant et très émouvant.

Dans l'Église des Trinitaires de 10h à 19h30 ; 10€


Charlotte Perriand, comment voulons-nous vivre ? L'architecte est bien connue dans nos contrées pour avoir conçu les premiers immeubles de stations alpines dans les années 60 comme Les Arcs. Elle fut également designeuse de mobilier mais c'est ici son attrait pour les collages et plus largement l'idée qu'elle se faisait de l'utilité de son métier qui est montré. Proche du parti communiste, Charlotte Perriand (décédée en 1999 à 96 ans) a créé un photomontage de 16 mètres sur 3 de long pour sensibiliser le grand public aux conditions d'habitations et de pauvreté aux alentours des grandes villes (très largement inspiré par la Grande misère de Paris). Elle en fait un sujet politique. Présentée à l'exposition du salon des arts ménagers en 1936, cette œuvre n'est ici pas restituée mais détaillée et rendue passionnante.

Au Monoprix (à l'étage) de 10h à 19h30 ; 12€


Raymond Cauchetier, Nouvelle vague. Filez à l'abbaye de Montmajour, autrefois cerclée de marais. D'abord parce que cet édifice religieux, inscrit à la liste des monuments nationaux de France, construit dès le Xe siècle pour les moines bénédictins est une splendeur d'où l'on voit Arles à 5 km de là et la Luma (cette tour d'aluminium flambant neuve conçue par Frank Gehry qui abrite des expos temporaires déconnectées des Rencontres de la Photographie). Ensuite parce qu'y sont exposées des photos déjà vues mais dont l'effet madeleine de Proust fonctionne à plein : celles du photographe de plateau de la Nouvelle Vague, Raymond Cauchetier. Jules et Jim, la Lola de Demy, Michel Poiccard/Laszlo Kovacs et Patricia Franchini d'À bout de souffle y brillent par leur candeur inaltérable.

Dans l'abbaye de Montmajour, de 10h à 18h30 ; 6€


Comment y aller

En TER : 2h29 (changement à Avignon Centre) ; 40€

En voiture : 265 km, 2h58


Où manger ?

Cocolino. Bar et resto à deux pas des arènes et adossé au Jardin d'été ouvert il y a quelques mois par le patron du Cuit-cuit, non loin (rue Fanton). Personnel ultra sympa, terrasse immense et plat du jour (servi aussi le soir) à 16€. Épaule d'agneau confite ou aïoli revisité aux agrumes avec poisson en croûte et bulot. Délicieux !

Cocolino
33 rue Porte de Laure, 13200 Arles


Renseignements

Office du tourisme
9 boulevard des Lices
Tous les jours de 9h à 18h
T. 04 90 18 41 20

Rencontres de la Photographie
Jusqu'au 26 septembre
T. 04 90 96 76 06
Pass 4 jours 36€ en ligne, 42€ sur place


<< article précédent
Ils/elles font la ville — Ninkasi