Festivals d'automne

Pas un festival d'automne comme à Paris, mais plusieurs. Dont les incontournables et si différents Micro Mondes et Sens interdits.


Micro Mondes

Du mardi 16 au dimanche 28 novembre - TNG

On entre dans ce festival comme dans une cabane doublée de velours. Seul ou peu nombreux. Depuis dix ans, Micro Mondes est un aperçu de ce que les créateurs proposent comme formes immersives. Ce type de spectacles, encore rares il y a une décennie, se démultiplient. Pour autant le festival n'a pas enflé — avec les petites jauges nécessaires à l'immersion, l'équilibre financier est peu évident. Cinq spectacles — trois créations, une performance et une installation — s'adressent majoritairement à un public de plus de 15 ans. Le collectif lyonnais Invivo, déjà à l'origine de Céto et 24/7 poursuit sa recherche sur la réalité virtuelle pour une adaptation de Maeterlink, Les Aveugles. Cette création pour douze spectateurs munis d'un casque VR est une balade en compagnie d'autant d'aveugles perdus dans une forêt sans leur guide. Autre travail original et intriguant, initié dans le vivier du TNG, celui de Philippe Gordiani et Nicolas Boudier d'après La Horde du contrevent du très prisé Alain Damasio. À l'origine fut la vitesse permettra de remonter à la naissance des vents avec un dispositif de casque occultant pour une vision rétinienne (percevoir plutôt que voir) et un autre à conduction osseuse pour s'imprégner de la tempête.

Programme complet :

● Les Aveugles, du 16 au 28 novembre, TNG Ateliers

● À l'origine fut la vitesse, du 16 au 28 novembre, TNG Ateliers

● Au jardin des potiniers, 20, 21, 27 et 28 nov au TNG Vaise. Pour enfants dès 7 ans

● Cultural Exchange Rate, du 16 au 20 novembre, lieu en attente. Installation pour dix spectateurs

● As far as my fingertips take me, du 16 au 21 novembre, TNG Vaise. Pour un spectateur


Sens Interdits

Du mercredi 13 au dimanche 31 octobre – Métropole de Lyon

« 26 lieux, 21 spectacles prévus dont 8 qui vont tourner en amont et en aval du festival. Notre réputation l'emporte sur la crainte et le risque » nous confiait Patrick Penot en mai dernier à l'heure de dévoiler la septième édition du festival Sens Interdits qu'il a initié en 2009. Dédié au théâtre « de l'urgence », ce festival est un catalyseur d'énergie dans cette époque moribonde, mangé par la crise sanitaire mondiale, des guerres sans cesse recommencées et un fossé toujours plus accru entre ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien dans les pays pauvres, mais les riches aussi. Ce sont les combats contre ces fléaux que mènent par la voie artistique celles et ceux qui depuis la Grèce, l'Argentine, la Russie, la Syrie, le Congo, le Kosovo, le Liban, la Belgique, le Canada et surtout le Chili vont faire le déplacement. Cinq spectacles sont signés de Chiliens et ce n'est pas première fois que le festival fraye avec des "rescapés" du régime de Pinochet ou leurs enfants qui tentent de comprendre leur histoire. Les minorités ethniques comme les Mapuches sont à l'honneur et à l'ouverture de ce festival désormais étendu à 17 jours au lieu de 10.

Dans Trewa, Etat-Nation (au TNP), Paula Gonzalez Seguel évoque, dans une enquête quasi policière, une militante environnementale décédée dans des conditions suspectes alors qu'elle résiste à l'installation d'un barrage sur les terres mapuches. L'artiste nous avait déjà profondément émue avec Ni pu tremen en 2011. Elle sera à Lyon et dans la Métropole avec deux autres spectacles. Car le festival entretient avec intelligence des fidélités fortes : il ne s'agit pas ici de "faire voyager" mais de raconter inlassablement ce qui se trame ailleurs. Il faut toujours y revenir. C'est le cas de la Sibérienne Tatiana Frolova. Son délicat travail de fouille quasi ethnologique avec photos rétroprojetées, gribouillées, ses objets, ses cris dressait un réquisitoire féroce de ce que fut l'URSS (Je n'ai pas encore commencé à vivre), parfois elle se répète (Ma petite Antarctique) mais sa voix compte. Le Bonheur (aux Célestins) est attendu ; elle promet d'interroger cet état dans la Russie d'aujourd'hui.

Quelques noms célèbres figurent au programme de ce Sens Interdits comme Kerill Serebrennikov (et son Outside conçu alors qu'il était tenu loin de son équipe par le régime) ou Yan Duyvendak (qui avec Virus, aux Subs, immerge le spectateur dans la gestion de la crise d'Ebola). D'autres le sont moins mais l'attente est immense avec Laboratoire Poison (au TNP) tant le travail documentaire d'Adeline Rosenstein s'annonce majeur sur la « représentation des différents mouvements de résistance entre 1943 et 1976 » qui va contrer l'appétit de récits glorieux. De même que C'était un samedi, spectacle franco-grec d'Irène Bonnaud à propos de la plus ancienne communauté juive d'Europe, en Epire, où un jour de 1944, la Wehrmacht a débarqué. Avec ses petites figurines de terre, la comédienne Fotini Banou recrée tout un monde. Le spectacle se baladera au CHRD, à Bourgoin, Saint-Genis-Laval, Caluire et Bron. Et ce n'est pas un détail que d'aller à la rencontre de tous les publics.

Peut-être bientôt en mode annuel plutôt que biennale pour faciliter la diffusion à l'économie souvent fragile, Sens Interdits s'annonce une fois de plus une fenêtre intime et universelle, sensible et réflexive, précieuse sur ce qui fait humanité.

Programme complet :

● Trewa, ms Paula Gonzalez Seguel — Chili,  TNP

● Ül Kimvn, ms Paula Gonzalez Seguel — Chili,  Toboggan

● La Mémoire bafouée, ms Paula Gonzalez Seguel — Chili,  Subs

● Feroz, ms Danilo Llanos — Chili,  TNG

● Space invaders, ms Marcelo Leonart — Chili, Point du Jour et Théâtre de Vénissieux

● Traverses, ms Leyla-Claire Rabih — Syrie / France,  Théâtre Jean-Marias (Saint-Fons)

● De ce côté, texte et ms Dieudonné Niangouna — Congo-Brazzaville/France,  Célestins

● La Terre se révolte, ms Sarah Llorca — Syrie / France,  Célestins

● Portraits sans paysage, ms Nimis Groupe — Belgique,  Théâtre de la Croix-Rousse

● Bureau des dépositions, création collective — France,  Subs

● C'était un samedi, ms Irène Bonnaud — Grèce / France, CHRD, La Mouche (Saint-Genis-Laval), Pôle en Scène (Bron), Radiant

● Le Bonheur, ms Tatiana Frolova — Russie,  Célestins

● Laboratoire poison, ms Adeline Rosenstein — Belgique,  TNP

● En cinq saisons Un ennemi du peuple, ms Blerta Neziraj — Kosovo,  Renaissance

● Augures, ms Chrystèle Khodr — Liban,  Théâtre de la Croix-Rousse

● Jogging, de Hanane Hajj Ali — Liban,  Théâtre de la Croix-Rousse

● Cartomancie du territoire, ms Philippe Ducros — Canada,  Musée des Confluences

● Outside, ms Kirill Serebrenikov — Russie,  Célestins

● Virus, ms Yan Duyvendak — France,  Subs

● Fuck me, ms Marina Otero — Argentine,  Célestins

● Immortels, ms Philippe Vincent — Burkina-Faso / France,  Asphodèles


<< article précédent
Il est temps de rire : tour d'horizon de la rentrée cafés-théâtres et humour