Ridley Scott : « tous les personnages sont importants pour moi »

Boulimique de films, féru d'histoires et d'Histoire, jamais à court d'expérimentations, Ridley Scott reprend les armes et les routes de France pour dépeindre un crime moyenâgeux. Propos rapportés lors de sa conférence de presse parisienne.


Votre premier long-métrage s'appelait Les Duellistes et celui-ci, Le Dernier Duel. Qu'est-ce qui vous fascine tant dans les duels ?
Ridley Scott
: Mais… chaque jour de ma vie est un duel ! Je suis en duel avec les studios, ou avec les uns ou avec les autres… Si vous ne pouvez pas supporter le stress, ne faites pas le même métier que moi ! (sourire) Quand j'ai tourné Les Duellistes, j'avais 40 ans et déjà pas mal réussi dans le domaine de la publicité. Du fait de cette réussite, je craignais de perdre l'envie de faire des films. Comme j'étais allé partout en France pour les pubs, pour le livre transformé en scénario, je ne pouvais penser qu'à la Dordogne. Du côté de Sarlat, sur le lieu où l'on souhaitait tourner, j'ai dû aller à la mairie avec le script du film pour validation. La mairie m'avait demandé : « hum… vous voulez faire un film ici ? — oui. — portant sur des affaires sexuelles ? — non. — avec Brigitte Bardot ? — dans le genre Michael Winner ?  — non. — OK, c'est bon. »

Comment avez-vous procédé pour la reconstitution, extrêmement précise à la fois dans les vêtements et les décors ?
J'ai juste ouvert des bouquins et j'ai dessiné, comme un petit enfant, et après je me suis dit : « on va faire ce film » — c'est vrai ! Vous savez, j'ai été formé en tant que directeur artistique au Royal College of Arts durant sept années absolument fabuleuses ; j'ai travaillé en tant que tel en Angleterre. Là, comme pour chaque film, j'ai fait les choses un peu à l'envers : je fais mon storyboard, je couche le texte, je filme ce storyboard et je regarde la dynamique, la géométrie du texte. C'est seulement à partir de cela que je vais voir les lieux de tournage.

Matt Damon m'a appelé

Comment choisissez-vous vos comédiens ?
D'habitude, lorsque je prépare mes projets, je dois identifier et sélectionner tous les acteurs ; ici, ce sont les acteurs qui m'ont choisi. Matt Damon m'a appelé ; il m'a un peu raconté le sujet, en quoi consistait le film et m'a demandé : « est-ce que tu aimerais le faire ? ». Ensuite, quand je mets un film en route, tous les rôles sont écrits et tous les personnages sont importants pour moi. Donc je prends vraiment le temps qu'il faut pour la distribution, afin d'identifier des acteurs techniquement bon mais aussi inventifs parce que mon objectif est d'être également surpris par eux. Le plus grand compliment que je puisse leur faire c'est : « ah ça c'est génial  ! », lorsqu'ils font quelque chose auquel je n'avais pas pensé.

Il est dit dans le film qu'il n'y a pas de justice, juste le pouvoir des hommes ; or on s'aperçoit qu'en dépit du juste combat des femmes et des améliorations de la société, l'homophobie, le sexisme, le racisme, l'antisémitisme font de la résistance. L'avenir vous rend-il optimiste ?
Je pense qu'il faut être optimiste, même quand les temps sont sombres, qu'il y a tant de pessimisme et que les choses évoluent très lentement — ou pas suffisamment vite,  en tout cas. Un film comme celui-ci participe à ce processus.

En dépit de la pandémie, vous avez tourné ce film et un autre, House of Gucci, qui sort dans un peu plus d'un mois…
On les a bouclés en moins de deux ans, finalement, en incluant la phase de montage dès la fin du tournage. Mais cela ne peut se faire qu'avec un excellent monteur — et je dispose probablement du meilleur monteur de l'industrie. À peine avions-nous dit « coupez » que nous avions trois semaines plus tard notre film monté, là où d'habitude cela peut en prendre douze à quatorze. J'ai travaillé avec la mémoire “fraîche“, récente… C'est comme ça que ça doit être. Surtout lorsque vous avez une histoire comme celle-ci.


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