Country for old kids

Après quelques reports, les Black Lips se pointent enfin à l'Épicerie Moderne pour livrer sur scène leur réjouissant Sing in a world that's falling apart, collection de cavalcades et de ballades country exécutées dans un monde finissant, publiée l'an dernier, cinq minutes avant la pandémie de Covid.

 


Depuis qu'on connaît ces gamins mal élevés – et d'ailleurs plus si jeunes pour des gamins – de Black Lips, on a eu le temps de s'apercevoir qu'ils étaient bien du genre à danser sur les décombres – y compris après avoir eux-mêmes causé ces décombres à coups de déflagrations punk et psychobilly. Alors quand en 2020, ils sortent un album intitulé Sing in a world that's falling apart, on ne peut que faire semblant d'être étonné. Ce qui n'empêche pas de saluer un sens consommé du timing – et même, la chose s'offrant aux bacs au mois de janvier, une certaine propension à la prescience, dans ce moment où le monde entre en toussotant dans une ère de panique sanitaire pas piquée des pangolins qui clouera 9 milliards d'êtres humains dans leur canapé, ou ce qui en fait office.

C'est d'ailleurs évidemment avec une certaine bonne humeur que le groupe du sémillant Cole Alexander se livre à l'exercice, non pas à la mode garage-punk-éparpilleur façon puzzle mais en revisitant à la truelle l'univers country, alt-country pour être plus précis puisque avec eux la tradition est toujours un peu repeinte en gueule d'atmosphère. Ici, à coups de guitare fuzz, de surimpressions garages, là, à grands renfort de rots intempestifs (sur l'introductif Hooker Jon) et de confessions pochetronnes, comme quand Alexander, littéralement confit au moonshine et ivre de cuivres, entreprend de se racheter une conduite sur Gentleman comme on le ferait sur un lit de petite mort (« Ce vieux majeur est devenu gros et fatigué à force de doigts d'honneur / Ma bouche est pleine d'aphtes à force de cracher des gros mots », déplore-t-il dans une atmosphère de kermesse dégénérée au finale presque bouleversant).

Au coin du feu de forêt

De fait, Sing in a world that's falling apart où l'on croise le fantôme glam de Marc Bolan (Angola Rodeo), le spectre du Commandeur Cash (Georgia) et l'ombre du père traînard Bobby Dylan (Get it on time) sonne dès lors un peu comme un bœuf au coin du feu. Sauf qu'ici le bivouac serait un feu de forêt géant comme les États-Unis s'en offrent régulièrement. Il y a sur ce disque comme des airs d'une fin du monde joyeuse – exorcisée à coups d'harmonicas champêtres, de refrains roboratifs et de chœurs benêts frôlant le baba cool – qui doit sans doute beaucoup à cette capacité des Georgiens à agencer le désordre et la lose en trois minutes douche comprise. D'en tirer presque à chaque coup, et comme sur un malentendu, un tube qui ne s'ignore pas tout à fait et prouve que le ciel qui nous tombe sur la tête peut attendre.

Black Lips
À l'Épicerie Moderne ​le lundi 29 novembre


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