Fredrika Stahl au bout de la nuit

De passage à la Chapelle de la Trinité à l'invitation des Grands Concerts, Fredrika Stahl viendra y présenter une merveille d'album nocturne publié cette année et baptisé Natten, tout en clair obscur et en ambiance amniotique, où la chanteuse suédoise en profite pour se réinventer.

 


Fredrika Stahl a toujours été une adepte du clair-obscur. Sans doute un atavisme venu de ce pays d'origine, la Suède où la lumière est si particulière, si différente selon les saisons et le jour et la nuit peu partageurs, où l'on est aussi tellement attaché aux manifestations de la nature – une préoccupation attestée pour Stahl par sa réalisation de la bande-son du documentaire militant Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent. Mais sur Natten, la nuit en suédois, le clair-obscur semble plus que jamais le moteur d'un disque résolument pop – on a connu Stahl plus jazz. Tout dans Natten, habillé d'une électro discrète, semble empreint d'une atmosphère cotonneuse pour ne pas dire amniotique, plongé dans une sorte de nuit protectrice où brillent les aurores boréales (on ne se refait pas). Cette dimension visuelle, cinématographique, presque imagée, de sa musique, Fredrika Stahl dit l'avoir retirée de son expérience sur la BO de Demain, justement, et sans doute mûrie et nourrie par un silence discographique de près de huit ans. Ce qui vaut à la chanteuse de livrer là son disque le plus personnel, qui plus est publié de manière indépendante après plusieurs années en major.

Hygge

Car Stahl est ici le soleil intérieur de ses chansons tristes, toutes écrites de nuit, la lueur qui éclaire l'obscurité de ses instrumentations d'une flamme vacillante, un doux contraste qui doit beaucoup à la tradition pop scandinave de formation comme Mum ou Asgeir mais aussi à des folkeuses – elle a sur ce disque un timbre plus folk que jamais – telles que My Brightest Diamond et Agnes Obel avec laquelle elle partage une forme de grâce triste. Mais c'est surtout le saint-matronnage de Kate Bush qui est régulièrement à l'œuvre sur un disque qui comporte une autre nouveauté : une chanson en français – Fredrika Stahl vit à Paris et maîtrise parfaitement la langue de Molière –, Finalement la nuit (on reste dans le thème), étalée sur des nappes de synthé confinant à l'épique et partagée avec la voix inquiète de Dominique A. Natten, en attendant la venue d'un nouveau jour sur un disque prochain, semble être un album tournant pour la chanteuse : par son esprit indépendant d'abord qui change l'approche musicale de la demoiselle mais aussi parce qu'elle s'essaie à de nouveaux registres – on ne l'a jamais connue aussi dansante que sur des chansons comme Cruel World et Get Even. De quoi lui gagner, en plus de celui qui lui est déjà fidèle, un nouveau public. Et de quoi rendre curieux de la possibilité d'un concert dans l'antre si accueillante pour ce genre de musique et d'atmosphère intime de la Chapelle de la Trinité. Dans les langues scandinaves on appelle ça le hygge.

Fredrika Stahl.
À la Chapelle de la Trinité le jeudi 16 décembre


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