Piers Faccini : vertiges de la chute

Depuis l'automne, Piers Faccini et ses invités sont à l'honneur à l'Opéra Underground. Avant de recevoir Blick Bassy, il convie le percussionniste Karim Ziad, le musicien gnaoui Mehdi Nassouli et le quatuor de chambre Emana à revenir avec lui, sur la grande scène de l'Opéra, autour des questionnements de son album Shapes of the Fall.

 


On voit tous les jours les formes de la chute, sous forme d'inondations dantesques, d'incendies de forêt d'ampleur biblique, de tempêtes de l'apocalypse, de tornades à vous retourner le Kansas façon magicien d'Oz. Elles sont les éclaireuses de la chute finale. C'est un peu à elles que Piers Faccini a souhaité donner corps, indirectement, sur son dernier album, justement baptisé Shapes of the Fall.

Chute physique mais aussi morale puisque Faccini y dresse le constat, pas nouveau mais compliqué à imprimer pour le commun des mortels – et peut-être l'avertissement sur un titre comme Foghorn Calling, où il sonne la corne de brume – de la chute qui vient, celle de notre civilisation, du monde, bref de tout ce qui part à vau-l'eau sur cette planète, à commencer donc par le climat, mère de toutes les crises à venir.

Lui qui a toujours multiplié et invité aux voyages, y compris immobiles et toujours horizontaux, ces dernières années depuis ses chères Cévennes d'adoption, nous offre le vertige d'un voyage vertical. Et plutôt de haut en bas, on l'aura compris. Cette belle descente aux enfers, le folkeux la double d'une descente vers le sud et d'un retour aux traditions ancestrales. Convoquant les pulsations gnawa et les transes africaines (toujours ce tropisme world dans son folk) dans ce trip étourdissant qui, pour évoquer la fin du monde, semble vouloir aller puiser à ses sources géographiques, retrouver son berceau. Cela donne des morceaux vertigineux comme le précité Foghorn Calling, Dunyas (et ses sublimes arrangements de cordes) ou Paradise Fell, entre deux balades teintées de mélancolie lumineuse.

Rose des vents

Oui, car l'espoir malgré tout demeure, sinon autant se jeter par les fenêtres du monde. Or ce n'est pas pour cela que Faccini les a ouvertes. S'il l'a fait c'est pour s'offrir une vision transversale et trouver des réponses dans l'ouverture – au sens également figuré du terme. Cette ouverture, il la porte depuis longtemps, toujours en fait. Depuis qu'il a commencé, dès ses débuts, en mélangeant son atavisme anglo-italien – folk anglais, chanson italienne – aux traditions méditerranéennes et ouest-africaines et même aux gestes baroques. Si bien que si ces albums peuvent être déroutants, ils ne nous perdent jamais.

Dans la droite ligne de cette tradition personnelle, le concert que donnera Piers Faccini à l'Opéra Underground – dont il est l'un des invités de choix et récurrent de cette saison – multipliera les invitations propres à embrouiller une rose des vents. Ainsi le quintet habituel du barde cévenol sera-t-il renforcé par le percussionniste algérien Karim Ziad (vu entre autres avec Gnawa Diffusion, Cheb Mami, Joe Zaniwul, Khaled, Nguyen Lê...), celui que l'on présente comme le renouveau du gnawa, maître notamment du ghayta et du guembri, Mehdi Nassouli, ainsi que le quatuor de chambre Emana, habitué et ancien résident des lieux.

Ensemble, Piers Faccini – qui accueillera la semaine suivante le Camerounais Blick Bassy pour la deuxième édition de son Chemin des Songwriters – et ces dix musiciens tenteront de répondre à la question « Comment vivre et composer avec l'effondrement du monde ? » En composant, justement,  et en continuant de jouer tandis que le bateau coule, les yeux fixés sur la catastrophe.

Piers Faccini
À l'Opéra de Lyon le lundi 17 janvier

Piers Faccini reçoit Blick Bassy
À l'Opéra Underground le dimanche 23 janvier


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