âMy B, dans la capitale des goals

Derrière âMy B se cache Âmala, qui veut dire sagesse et pureté en indien. Originaire de São Paulo, elle a posé ses valises à Lyon il y a six ans, où elle a commencé à mixer par hasard, sur… iPad. Depuis, ses sets ensoleillés subliment un message sérieux et engagé qu'elle diffuse bien au delà des frontières (Espagne, Portugal, Suisse, Allemagne, Italie). Vêtue de son plus beau maillot aux couleurs du Santos Futebol Clube (où joua Pelé),  elle nous raconte comment elle ondoie entre rythmes et sonorités de son pays et a créé le collectif Carnavália pour promouvoir culture et musique brésiliennes.


Ça veut dire quoi, âMy B ?
âMy B: Mon surnom au Brésil c'est Amy. Le B, c'est pour mon nom de famille. J'ai mis le M et le B en capitales pour les initiales de Musique Brésilienne. Malin, hein…

Devenir DJ faisait-il partie de vos plans ?
Oh non. Pendant mes études de latin au Brésil, j'ai eu une bourse pour étudier à Lyon. Je suis venue pour faire un master en traduction. Un jour, le festival Brazilyon a eu besoin de quelqu'un pour préparer une playlist de cinq heures. Comme j'ai baigné dans la musique brésilienne, je me suis portée volontaire. Cinq heures de son, c'est long… alors j'ai appelé tous mes proches, pour m'aider. En faisant ce travail, ça a été une évidence : je ramenais ma culture ici, à travers les musiques des gens que j'aime le plus, c'est comme s'ils étaient avec moi en France.

De la création d'une playlist au maniement des platines…
Ça s'est fait naturellement. Ma première date, c'était au Livestation. J'avais téléchargé une appli sur iPad 2 où je pouvais "mixer". Ils m'ont vu arriver avec ma tablette et m'ont donné une opportunité unique. Depuis, j'ai gardé cette naïveté de faire ce que j'aime, avec mon instinct. Au bout de la troisième date, j'ai acheté des platines d'occasion et j'ai appris seule. C'est quelque chose dont je suis très fière. Savoir que tout ce que j'ai fait, je me le dois, c'est très cool.

Vous vous êtes récemment penchée sur la production ?
Ça y est. Mais impossible d'apprendre seule cette fois. J'ai fait deux formations : une à Lyon et une à São Paulo. Je m'entraine pour l'instant sur des remixes, des edit, pour enrichir mes sets.

Je suis une femme, noire, étrangère qui habite à Lyon

"Solaire" et "tropicale" semblent être les prismes par lesquels on vous définit souvent. Êtes-vous 100% à l'aise avec cela ?
C'est très valorisant, parce que c'est l'une de mes facettes. Mais c'est vrai qu'il faut faire attention avec les clichés,  ne pas limiter et simplifier une artiste. Mes musiques sont solaires, mais surtout engagées, elles racontent des choses. On parle de politique, de féminisme, d'Histoire… Au début, je demandais qu'on éteigne la lumière sur moi quand je jouais. L'important, c'est la musique. L'artiste que je suis enrichit la personne que je suis. Quand on me programme, ça passe déjà un message fort : je suis une femme, noire, étrangère, qui habite à Lyon. Je les remercie pour ça.

Le portugais n'est pas le canal le plus évident pour faire passer des messages en France…
Il y a plusieurs grilles de lecture dans ce que je joue : si tu ne comprends pas les paroles, il y a le feeling,  les sonorités, les instruments, les voix…  Le but c'est que le public ait envie d'aller chercher plus loin : la traduction, l'histoire de l'artiste… On peut laisser la musique nous traverser et on peut fouiller pour comprendre davantage. Je crois que mon engagement passe aussi par ma manière de m'autoriser tous les styles, parfois en utilisant et en assumant des rythmes qui sont ici un peu ringards comme le forró, une danse de couple. En France, on aime quand on est spécialisé dans un rythme, on aime les cases… Ma musique a un impact quand le public est surpris par ce que je passe.

Ce n'était pas un caprice !

Quand avez-vous su que la musique deviendrait votre métier ?
Je vis de la musique depuis trois ans. J'ai pris des risques, je l'ai fait sérieusement. Ce n'était pas un caprice ! Je ne pouvais pas me permettre d'en faire. J'avais quatre jobs en même temps pour investir dans le matériel. Des réseaux sociaux à l'agenda, au booking : je gère seule. Mais c'est fatiguant, je ne vais pas mentir. Je vais peut être songer à m'entourer car c'est beaucoup de travail.

Un souvenir d'un set marquant ?
Pour la Fête de la Musique 2019, j'ai été invitée au Macanudo, dans le 7e, un endroit que j'adorais. Ça a marqué le premier Carnavália de Lyon. Et mon set au Parc OL pour un match de Lyon en Ligue 1. J'adore le foot — ça, c'est cliché — mais je  tiens ça de mon père. Ce jour-là, Juninho, dont j'aime l'engagement politique et les discours, était à côté. C'était fort symboliquement. La vie est folle.

Vous avez un rituel avant de commencer ?
Je fais une prière. Je n'ai pas de religion en particulier mais je crois en Dieu, en l'univers. Aussi, j'aime beaucoup ne pas avoir de chaussures quand je joue, pour être connectée à la terre. Peu importe où je mixe, c'est toujours comme si c'était la première fois.

Où la voir jouer ?

Barãgones mercredi 16 février à 20 h
Le Taille-Crayon, vendredi 18 février à 21 h
Festival Woodstower le 28 août


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