Vel, ingénieure technoïde

Membre du collectif Under Rave de u.r.trax, Vel incarne la relève de la scène techno française. L'artiste et ingénieure — qui semble dotée d'une jauge d'énergie infinie — nous invite dans ses sets intenses à une transe enivrante. Sa prestation en live aux côtés d'In Aeternam Vale lors de Nuits sonores 2021 a marqué les esprits. Des artistes aux oreilles aiguisées ont bien cerné son énergie singulière : François X a signé l'une de ses sorties sur son label XX Lab. Après un premier EP en 2020 sur Unusual Records puis un deuxième sur Neurom, la productrice s'apprête à sortir, le 23 février, cinq titres « mêlant folie et mélancolie ». 


Comment appréhendez-vous la réouverture ?
Vel : 
Je prépare mon corps à coup de cures de magnésium ! J'ai eu le temps de me reposer un peu, même si je n'ai jamais arrêté de bosser. J'ai toujours mon travail d'ingénieure à plein temps.

Comment concilier les deux ?
J'ai besoin des deux. J'aime l'univers du travail d'ingénieure, ça m'anime et ça me fait sortir de la musique. Je ne veux pas devenir une ermite et vivre en vase clos. C'est un équilibre, je rencontre des ingénieurs inspirants, je garde certaines règles de vie qui me sont importantes. Petite, j'avais déjà mille activités en même temps. Si je n'étais pas au théâtre, j'étais à la peinture, ou au piano, ou à la guitare...

Avez-vous abandonné ces instruments ?
J'ai commencé la musique électronique il y a quatre ans. Le Sucre, où j'entame ma résidence, fait partie de mon histoire car c'est le club où j'ai le plus dansé dans ma vie. C'est le premier club où j'ai écouté de la techno, qui m'a donné envie d'en faire. J'ai rapidement installé Ableton pour apprendre à produire, avec des tutos YouTube. J'avais envie moi aussi de faire voyager les gens ! Ça me paraissait plus difficile avec un piano ou une guitare… En plus, je ne sais pas chanter. Quand j'ai découvert ce que je pouvais faire avec les machines, en live, ça a ouvert le champ des possibles. La musique est un langage tellement puissant qui n'est pas limitant.

La techno était une évidence ? Qui des deux a choisi l'autre ?
Les deux. C'était naturel. La première fois que j'en ai écouté, j'ai eu envie d'en produire. J'ai toujours aimé le côté répétitif qui te transporte, la boucle qui te fait voyager, qui monte qui monte…

Ça respire la techno

Une date qui vous a marquée ?
Au Macadam à Nantes, en octobre. On se partageait la nuit avec u.r.trax, que j'admire. Le club, déjà, c'est le paradis : la salle est brute, très industrielle… ça respire la techno. Et le public nantais était tellement réceptif, à l'écoute, très curieux. J'ai fait des trucs tellement perchés, j'ai passé des choses bien breakées, des tracks de Skee Mask... J'ai construit un set crescendo en prenant des risques, j'étais en transe. Et mon live à Nuits sonores : je n'ai jamais été autant stressée de ma vie. J'arrivais plus à vivre. Finalement, je me suis pris une heure de dopamine avec In Aeternam Vale.

Une prise de risque qui se ressent aussi dans He Took One Cliché, l'EP que vous sortez ce mois-ci.
C'est le fruit de plein de tracks que j'ai créés l'année dernière, sans avoir l'idée d'en faire un EP. J'ai fait des vortex dans ma tête… Et je me suis rendu compte qu'il y avait assez de matière pour sortir un projet. Ça reflète vraiment plein d'énergies différentes.

Dans l'identité visuelle du projet,  on devine l'influence de Tame Impala…
J'accorde beaucoup d'importance à l'identité visuelle, comme aux titres. Sur ma pochette, j'ai dit à ma graphiste que je voulais un boobs avec un mauvais œil à la place du téton. On a construit ça. Et c'est juste : je lui avais envoyé pour inspi la pochette de Tame Impala avec ce trait, et la boule au centre. C'est assez abstrait, ça laisse place à l'imaginaire, il y a un côté très poétique.

D'où vous vient ce nom, Vel ?
Je désirais un nom qui ne voulait rien dire. Un mot court, léger, féminin, avec des sonorités liquides. Je m'inventais des trucs dans ma tête et en 2018, l'apparition : Vel.

Quelle est votre manière de digger ?
On m'envoie pas mal de tracks, c'est tellement satisfaisant. Je passe aussi beaucoup de temps sur Soundcloud, et j'adore "l'Internet musique", les trucs sans mastering, un peu craft, DIY… Je me perds là-dedans, j'ouvre deux cents onglets, et j'écoute.

Une rencontre marquante ?
In Aeternam Vale. C'est la première personne à qui j'ai fait écouter ma musique. Il m'a donné confiance, ça a marqué une transition déterminante. Et François X. Il a cru en moi, c'est une personne tellement à l'écoute des jeunes artistes. Il a un côté avant-garde, il est toujours en avance.

Où la voir jouer ?

Au Sucre le vendredi 25 février


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