Diggers torréfie désormais son cacao

Les fondateurs du bar à chocolat Diggers se lancent dans la production de tablettes. Des "pures origines" dont ils travaillent eux-mêmes les fèves. 


Ces dernières années ont vu le retour en centre-ville, et notamment à Lyon, de micro-torréfactions de café. De jeunes gens qui installent dans l'arrière-salle d'un coffee shop de quoi brûler de petites quantité de grains de café, qu'ils importent parfois eux-mêmes. On pouvait s'attendre à ce que le phénomène finisse par toucher la transformation de la fève de cacao. C'est ce qui est train d'arriver, avec le mouvement "Bean To Bar". Il s'agit de renouer avec la façon dont on travaillait le chocolat avant que l'industrialisation n'emporte tout sur son passage et segmente la filière entre producteurs, négociants, broyeurs, couverturiers, confiseurs. Comme pour le café, ce mouvement est né aux États-Unis dans les années 2000 et s'est accompagné de nouvelles façons de travailler : on torréfie des fèves d'une même origine voire d'un seul producteur, on veille à la qualité de la matière première et à une meilleure rémunération des producteurs.

On pourrait objecter que des chocolatiers contrôlant l'ensemble du processus de fabrication, il en existait déjà. Ici ce sont Bernachon, Voisin, Sève, Pralus. La différence se situe notamment dans les quantités travaillées, les méthodes de torréfaction (plus douces, plus longues) et de fabrication (on réduit la quantité de beurre de cacao par exemple). Comme le précise Olivier Mauchamp : « on peut avoir la même fève de la même année, le produit fini ne sera pas nécessairement le même. Il y a tellement d'étapes différentes sur lesquelles on peut agir. »

Le même qui fournit Alain Ducasse

Olivier est devenu, avec son ami d'enfance Geoffrey Robert, l'un des apôtres de cette mouvance en ouvrant il y a trois ans le bar à chocolat Diggers. Les deux compères sont des reconvertis issus du monde du marketing, qui ont aperçu la lumière en voyageant en Australie et ont eu la révélation en goûtant un inoubliable chocolat péruvien. L'ambition de Diggers était de faire découvrir les produits de ces néo-artisans, notamment via une carte de chocolats chauds de différentes origines.

Finalement, des confinements ont offert à nos deux amis la possibilité de s'essayer eux-mêmes à la torréfaction. Ils se sont auto-formés et puis il a fallu se lancer. « Pendant un an et demi, on torréfiait dans le four de notre cuisine. Quand on a ouvert le labo, le matériel avait du retard à cause du Covid. On expérimentait déjà des petits batchs pour pouvoir trouver les profils aromatiques. » Pour l'instant, ils se fournissent auprès d'un importateur, « le même qui fournit Alain Ducasse. » L'étape suivante est d'entrer en contact avec des fermiers. Ils projettent de se rendre prochainement en République dominicaine.

En attendant tous deux viennent de sortir leurs premières tablettes, sept origines différentes allant du Venezuela 69%, jusqu'à Madagascar en 85 %. « Ce qui est super intéressant, c'est que sur les sept chocolats, aucun ne se ressemble. Les prédominances aromatiques sont dues au pays producteur et au terroir. C'est lui qu'on essaye de faire s'exprimer par notre torréfaction. » On a un petit faible pour l'"Inde", qui bien qu'il soit 100% cacao — ils ne font que des chocolats noirs pour l'instant — révèle d'incroyables arômes de figue et raisin sec. Les tablettes sont disponibles dans leur boutique de la rue Neuve où l'on peut aussi boire chacun de ces sept chocolats fondus dans du lait chaud. Parfait pour passer la fin de l'hiver. 

Diggers
6 rue Neuve, Lyon 2e
De 14h (10h le week-end) à 19h ; fermé le lundi
Chocolat chaud à partir de 5€ ; tablette 7€50


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