Toujours ad hoc

Cinq jours intenses pour voir du documentaire autre chose que sa vitrine convenue et surtout, pour en débattre. Tel est le menu inchangé de l'excellent festival décinois des Écrans du Doc.


Heureusement qu'il y a des festivals de films documentaires pour en rappeler l'insolente variété et l'inépuisable renouvellement ! Sans eux, les spectateurs seraient enclins à croire ce que certains professionnels de la profession aimeraient leur faire avaler : qu’il s'agit uniquement de reportages animaliers ou au drone sur l'environnement destinés à leur rabâcher en fa ou en sol les mêmes belles intentions, ou à leur vendre (en film, après le livre, le podcast, le disque, le t-shirt et les photos) les préceptes de gourous New Age — dont il ne vaut mieux pas explorer les arrière-cuisines prétendument sobres et décroissantes. Heureusement, donc, que depuis une bonne décennie, un rendez-vous comme Les Écrans du Doc méthodiquement composé par le Toboggan.

À peine six mois après la 10e édition “décalée“, la programmation 2022 n'est pas moins riche avec quatorze films (dont trois avant-premières) et surtout une dizaine de débats apportant en live contrepoints ou hyperliens aux images et idées développées par les films. De saines extensions dont on ne saurait trop vanter la nécessité en une période où l'échange est atrophié. Peut-être parce que les opinions sont, sinon confisquées, du moins orientées ou surveillées — Media Crash : qui a tué le débat public ? signé Luc Hermann & Valentine Oberti (de Mediapart) et Hacking Justice - Julian Assange de Clara López Rubio & Juan Pancorbo en témoigneront en ouverture.

Monde & jeunesse

Par la suite, la “ligne générale” de cette édition emprunte deux chemins principaux (se recoupant parfois) avec des films observant le monde — du Pays basque à l'Iran en passant par la Syrie et le Congo — et d'autres se focalisant sur l'adolescence. Ce corpus intègre notamment la “suite“ de Nous, princesses de Clèves, En nous de Régis Sauder mais aussi le nouvel opus signé par Teurlai & Demaizière, Allons Enfants tourné dans un lycée usant du hip-hop comme outil d'intégration scolaire ; ou encore Sunless Shadows de Mehrdad Oskouei s'intéressant à des détenues d'un centre pénitentiaire iranien. Si l'on peut faire l'impasse sur le film de clôture (dans tous les sens du terme, puisqu'il est consacré à une vache, Vedette), on guettera avec curiosité le portrait consacré aux sociologues des bourgeois “stars“, les Pinçon-Charlot, À demain mon amour signé Basile Carré-Agostini (pour la mise en abyme qu'il constitue), et grand intérêt le film d'animation danois Flee de Jonas Poher Rasmussen racontant le parcours d'un réfugié afghan, dont la forme autant que le fond tranchent partout où il est présenté. Sans besoin de petit animal des neiges au générique, semble-t-il…

Les Écrans du Doc
Au Ciné-Toboggan (Décines-Charpieu) et au Ciné-Mourguet, au Cinéma Le Scénario, au Ciné-Rillieux, au Ciné-Duchère, aux Alizés ​du mardi 29 mars au dimanche 3 avril


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Richard Brunel : « l’opéra est en prise avec le monde »