Les recalés des nouvelles Scènes découvertes réagissent

Après la redistribution du label Scènes Découvertes à de nouveaux lieux par la Ville de Lyon, discussion avec les deux sortants : les théâtres des Marronniers et de l'Espace 44.


André Sanfratello avoue avoir été « surpris » par la décision de la Ville de délabelliser du réseau Scènes Découvertes le théâtre l'Espace 44,  qu'il dirige depuis 42 années et s'est fendu dans les jours suivants l'annonce d'un mail inquiet quant à l'avenir, à l'attention des compagnies.

Yves Pignard se pose lui aussi des questions au sujet des conditions de poursuite de l'aventure du théâtre des Marronniers,  créé en 1985 et dont il est aux commandes depuis 1991 mais, précise-t-il, « sans amertume », « ravi » même que soient accueillies dans ce dispositif des structures amies comme le Nid de Poule avec qui il collabore déjà. Il est, en revanche, forcément un peu « blessé » que le projet dit de « La Fabrique des imaginaires, qui a été structuré et pensé autour d'un parcours axé sur les gens du spectacle mais aussi sur l'éducation artistique, la médiation culturelle, une sorte de centre de ressources avec des partenaires sur l'ensemble de la région », n'ait pas été perçu dans toute sa mesure. Mais il a confiance en la Ville de Lyon et les autres partenaires pour « que l'on puisse redisséquer tout ça », lors d'un rendez-vous à venir afin de juger s'il peut bénéficier ou non du Fond d'intervention culturel (FIC) de la Ville.

André Sanfratello reconnait aussi que Nathalie Perrin-Gilbert l'a souvent soutenu quand elle était maire du 1er arrondissement et que cet été encore, son théâtre a bénéficié d'une subvention d'équipement (6 000€) pour des travaux d'aménagement. Mais l'un et l'autre pointent l'importance des petites structures comme les leurs (49 places aux Marronniers, 40 places à l'Espace 44) pour accueillir les premiers travaux d'élèves artistes sortant chaque année d'écoles de théâtre, de danse, de musique. « Lyon est au top niveau des formations artistiques. Il faut que ces jeunes soient encadrés par des équipes professionnelles. En étant quatre théâtres Scènes Découvertes [NDLR: avec L'Élysée et les Clochards Célestes, reconventionnés], nous n'arrivions déjà pas à répondre à toutes les demandes… » note Yves Pignard qui, s'il s'inquiète de la pérennité du lieu, ne le fait pas par « ego mais pour les compagnies ».

Émergence fragile

À l'Espace 44, la question de la transmission du théâtre à d'autres a été envisagée il y a quelques mois,  « mais la personne concernée a pris peur avec le Covid : c'est une responsabilité énorme » dit André Sanfratello, 77 ans, précisant que ce qui compte est « le travail fait, pas l'âge du capitaine ». Le sexagénaire, Yves Pignard, coordonne son théâtre avec une trentenaire et un quadra et souhaite ardemment le transmettre.

Désormais, il faut, pour tous les deux, envisager la suite sans trop de visibilité. La Ville leur versera, cette année, une somme au prorata de la saison à finir, jusqu'en juin. L'Espace 44 touchait jusque-là 40 000€ annuels de la Ville et 10 000€ de la Région pour un budget total de 150 000€, alimenté à hauteur de 100 000€ par la billetterie. Le théâtre compte trois permanents et quatre intermittents pour accueillir 40 spectacles par saison et 7 600 spectateurs (chiffres 2018/19). Les Marronniers reçoivent 45 000€ de la Ville, 15 000 € de l'État,  15 000€ de la Région et bénéficient de 38 000€ de mécénat, ce qui les a conduits à renoncer à réclamer une part du fond d'aide d'urgence Covid de la Ville car le club d'entreprise a comblé ce manque à gagner. Les subventions couvrent 52% du budget du lieu.

« Le public est en train de revenir après la crise sanitaire. Il y a moins de contraintes, il faut que ces liens existent et que les lieux qui les portent soient soutenus correctement » observe Yves Pignard, qui dit « faire confiance à Nathalie Perrin-Gilbert, laquelle a déclaré que l'émergence était pour elle une chose vitale. Elle a pris des décisions courageuses en rééquilibrant des aides, en récupérant des finances pour les faire bénéficier à l'émergence. Il faut que cette vision-là aille jusque bout. »


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