« Klein est une icône »

Catherine Dérioz et Jacques Damez sont les co-fondateurs de la galerie Le Réverbère, qui représente Willam Klein : ils nous racontent la rencontre avec l'homme et son travail.


Comment avez-vous rencontré William Klein ?
C'est une rencontre pour le moins non ordinaire ! Pour les dix ans de la galerie, en 1991, nous avons eu le culot de contacter Klein qui,  pour nous, était une véritable icône. On a obtenu un rendez-vous chez lui à Paris où il nous a invité à regarder ses boîtes de photographies dans son salon. Il nous a dit : « regardez et faites une sélection. Si c'est bien, je ferai l'expo avec vous, sinon non ». Sur ces mots, il nous a laissés seuls dans l'appartement parce qu'il avait fixé un autre rendez-vous ailleurs ! Après cette brève rencontre, nous avons patienté plusieurs semaines au bout desquelles Klein nous a dit : « j'ai changé deux trois images, mais j'expose chez vous ». Après l'exposition à Lyon, alors que nous lui ramenions ses boîtes d'images, il nous a dit : « Pourquoi me les rendre, elles seront mieux dans vos tiroirs ». Eberlués, nous avons alors compris que nous allions pouvoir continuer l'aventure avec lui.

Quelle a été l'importance de Klein pour la galerie ?
À cette époque-là, la réputation et l'exigence de Klein ont d'une certaine façon validé notre légitimité de galerie photos. Avec William Klein et aussi avec Denis Roche, parmi les artistes que nous exposions, nous avons eu alors moins besoin d'argumenter pour défendre nos choix et pour travailler avec d'autres artistes. Ceci étant, l'œuvre de Klein dérange et n'est pas aisée à mettre sur les murs. Il n'a pas été facile de vendre ses images, au début.

Quelle est, selon vous, l'importance de Klein dans l'histoire de la photographie ?
William Klein fait partie des dix noms essentiels de la photographie, avec Walker Evans, Robert Frank, Henri Cartier-Bresson, Josef Koudelka… Après Klein, la photographie n'est plus la même. Klein a révolutionné la mise en page des livres de photographies, sur un mode relevant presque du roman-photo, et en indiquant par là qu'une seule image ne suffit pas pour faire sens. Klein est un penseur du montage, d'où son travail sur les livres et aussi son investissement dans le cinéma. Il y bâtit des discours sur le monde. Il y a aussi l'importance de sa présence, il s'impose dans l'image et fait partie de l'acte photographique. Il en est un acteur, un performeur. D'où son très grand intérêt pour les performeurs japonais et la danse butô. Mais s'il tord le réel par la performance, le sujet de ses images n'est jamais hors sol mais bien ancré dans le réel. Klein est très conscient des particularités de son médium, la photographie, qui relève pour partie du réalisme, de l'enregistrement du réel.


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L’expo : Klein en 100 photographies