Cate Le Bon à l'Epicerie Moderne : réduction à la Pompeii

Un peu plus de deux ans après la tournée de Reward, la Galloise Cate le Bon est de retour sur une scène lyonnaise. Avec Pompeii, un album tout en minimalisme pop, composé et enregistré durant le grand confinement, et qui plonge dans la torpeur tout en douceur. À mille lieux de l'éclat et de la démonstration.

 


À la sortie de Reward, son chef d'œuvre, Cate Le Bon avait de grandes idées pour la suite à lui donner. Comme enregistrer au bout du monde dans un endroit inconnu d'elle. Idée germée pendant une retraite dans le désert de Mojave, interrompue par un confinement. C'est bien seule, mais chez elle que la Galloise a enregistré ce Pompeii, dans le contexte d'un monde figé, comme vitrifié par la soudaineté du "1, 2, 3 soleil" mondial – genre d'engloutissement de Pompeii à échelle planétaire. Et c'est un album de torpeur et de langueur qu'elle a livré sur lequel continue de se mesurer son art du cadrage-débordement (on est ici en terre galloise). À commencer par les références avec lesquelles jongler, la concernant. Il y a bien sûr, automatiques, les grandes marraines, les Statues de la Commandeuse habituelles : les Nico et autre Kate Bush.

Mais s'il fallait, ici parfois, rapprocher la Le Bon de quelques aînés, les amateurs de minimalisme sophistiqué, après lequel semble courir cet album, auraient sans doute tendance à opter, outre le Bowie de Station to Station, album de la mue pré-berlinoise, pour Robert Wyatt ou un certain David Sylvian qui, dès après Japan, se lança dans une merveilleuse autant qu'ascétique carrière solo faite d'expérimentations et de dissonances pop. Pour Mark Hollis aussi d'une certaine façon qui consacra ses années solitaires à se couler dans l'abstraction jusqu'à faire de sa réduction volontaire au silence un geste musical.

Goutte-à-goutte

Pourtant après l'ouverture aride en trompe l'œil – rythmique sidérurgique, harmonies de suspense horrifique – Cate Le Bon livre ici sans doute son album le plus accessible, porté en continu par une basse ronde comme une queue de pelle, des synthés bien crémeux (de bons vieux DX7 d'école tels que le Top 50 en regorgeait il y a 35 ans), des saxophones ébouriffés – qui confèrent à l'album son côté très Talk Talk nouvelle génération – et de gros clins d'œil vers la city pop japonaise des 80's – matière malaxée par le précité Sylvian. Et surtout par une production, un sound design de haute volée qui font flirter la jeune femme avec le pastiche musical sans jamais tomber dans l'éventuel travers qui en découle : au mieux, dans l'exercice de style, au pire, dans la caricature.

Pompeii se tient ainsi sur une sublime crête et c'est ce qui fait son sel. Car si nous disions qu'il s'agit là de son disque le plus accessible, il faudra en chercher les tubes pendant de longues heures – et malgré tout, on se dit que ce Moderation ferait bien l'affaire. Mais c'est précisément cette écoute répétée qui fait mesurer la valeur d'un disque dont les qualités s'apprécient subtilement en goutte-à-goutte. Les œnologues parleraient de belle longueur en bouche. On opterait davantage pour quelque chose de l'ordre de l'empoisonnement lent. Contrairement à ce que son titre pourrait évoquer d'une catastrophe volcanique qui surprit le monde antique dans son sommeil, cet album décidément tout en faux-semblants et en fausses pistes, est bien un volcan à éruption prolongée. Peu de chance de vous faire vitrifier mais de fondre en douceur, ça oui.

Cate Le Bon
À l'Épicerie Moderne ​le jeudi 31 mars


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