Cyril Désiré : « le Zola est un mono-écran où les projets foisonnent »

Transfuge du cinéma Le Navire à Valence, Cyril Désiré arrive à la tête d'une institution de la Métropole : le cinéma Le Zola. Alors que le mono-écran villeurbannais a connu (sans en pâtir) une vacance de direction de près de six mois, qu'il fourmille de projets et que Villeurbanne est “Capitale française de la culture“, le nouveau directeur dévoile les premières lignes de son programme.


Vous étiez directeur du Navire à Valence depuis une quinzaine d’années ; pourquoi avoir quitté cinq salles pour le mono-écran du Zola ?
Cyril Désiré
: Même si je suis encore très attaché au Navire, qui m’a vu grandir, j’en avais fait le tour. J’avais envie d’un nouveau challenge et le Zola qui propose le même genre de programmation art et essai que le Navire est réputé, reconnu pour son travail au niveau régional. Il a une histoire : je connaissais Alain Liatard, Laurent Hugues, Sandrine Dias [ses précédents directeurs] depuis très longtemps ; je trouvais chouette de m’inscrire dans la continuité de ce qu’ils avaient fait, autant que dans un nouveau projet, très riche de propositions.

Et c’est une association, avec une quantité de festivals, notamment les Reflets du cinéma ibérique et celui du Film court, qui a plus de quarante ans. Je reconnais que j’ai moins d’appétence pour l’organisation de festival — même si i’en organisais au Navire, mais pas du niveau de ceux du Zola. Enfin, il y a les projets futurs.

Vous n’avez pas évoqué le festival Ciné O’Clock…
Tout le monde s’inquiète (rires) ! Il est juste décalé, il aura lieu fin septembre début octobre. Comme beaucoup de salles de cinéma en France ou d’autres types de structures, le Zola connaît un gros turn-over de personnel. C’est une continuité de la crise Covid, j’en suis la preuve vivante : je suis parti de Valence parce que j’ai eu du temps de réflexion.

L’équipe actuelle est réduite, les bénévoles ont beau être très investis, je ne peux pas les multiplier. Alors on décale le festival sur une version plus modeste, ce qui avait été le cas déjà l’année dernière. Mais on ne va pas se mentir : il y a quand même une problématique britannique. Le Brexit et les choix économiques faits par la Grande-Bretagne ont eu des impacts.

Parmi les projets futurs et à longue échéance que vous reprenez, figure celui du développement et de l’extension du Zola à plusieurs salles. C’est le grand défi des prochains mois ?
Des mois et des années à venir ! L’Association pour le cinéma va-t-elle gérer le futur cinéma que souhaite ardemment la Mairie ? C’est une vraie question, je n’ai pas de réponse. C’est un très beau projet que Villeurbanne — même plus largement la Métropole — mérite. Il y a matière à avoir un nouveau cinéma d’art et d’essai dans le secteur. Il est évident que mon profil de gestion d’un multi-écran privé art et essai va peser dans la balance.

La Mairie décidera comment elle veut que cela se passe

On parle d’opérateurs extérieurs qui seraient sollicités, type MK2, pour s’installer sur ce créneau-là…
Beaucoup d'opérateurs auraient envie de s’installer sur ce créneau, sans aller chercher si loin que MK2, il y en a plusieurs, beaucoup plus proches. Parce qu’il y a un potentiel, tout le monde est intéressé. Mais la Mairie décidera comment elle veut que cela se passe. Si je comprend bien le dossier, elle est historiquement très partie prenante.

Mais l’Association pour le cinéma [NdlR : qui gère le Zola] est présente depuis quarante ans sur Villeurbanne où elle assure la diffusion art et essai sur un mono-écran de manière remarquable. C’est à prendre en considération. Sans elle, peut-être qu’un opérateur privé aurait fini par arriver. Mais elle a tenu avec ses festivals, avec de chouettes équipes et la mairie — que ce soit M. Bret auparavant ou M. Van Styvendael maintenant — a toujours eu conscience de son rôle et de son travail. Après, on est dans l’expectative : est-ce qu’il y aura une mise en concurrence ? Je ne sais pas.

Vous arrivez en plus dans l’année où Villeurbanne est “Capitale française de la culture”. Cela doit être assez excitant de s’inscrire dans ce projet et de le faire résonner au niveau cinématographique…
C’est aussi très particulier (rires) ! Quand j’ai postulé, j’ai envisagé beaucoup de choses mais je n’avais aucune connaissance des projets portés par le Zola et Olivier Calonnec [NdlR : le précédent directeur] que j’ai découverts en arrivant. Heureusement qu’on a une super équipe et que certaines personnes “maîtrisent”. L’un des projets est bien entamé, avec des écoliers qui travaillent autour de pellicules 35mm classiques : chaque élève de chaque classe fabrique une seconde de film en liberté, les fragments seront mis bout à bout pour créer un court-métrage expérimental. Ça va être spectaculaire : il y des paillettes, des feutres, plein de choses… Je suis curieux de voir le résultat à l’écran !

Ce label “Capitale française de la Culture“ est très beau, c’est la première fois qu’il est accordé. Tant mieux pour Villeurbanne, tant mieux pour moi ! On a d’autres projets amorcés, notamment autour du jeu vidéo avec le Pôle Pixel début juillet ; un autre avec le Rize normalement sur les archives.

Et évidemment, on va bientôt lancer l’appel à films pour le Festival du Film Court. En fait, le Zola est un mono-écran où les projets foisonnent. À peine arrivé, je reçois des demandes de rendez-vous, des propositions de films, de projets. On sent une richesse culturelle très forte localement. Un beau dynamisme, un besoin, des envies. C’est stimulant.

Le Zola a une image de marque

Ces dernières années, le Zola s’était enrichi de nouveaux rendez-vous (rencontres, avant-premières du mardi soir, etc.) Est-ce qu’on les retrouvera dans votre architecture de programmation ?
Il y aura sans doute à terme des architectures différentes de programmation. Je ne fonctionne pas seulement au coup de cœur ni aux choses qui me feraient plaisir, mais aussi dans l’attente d’un public : j’ai dans l’idée de faire venir le plus grand nombre de personnes ici pour voir des œuvres de cinéma — sans hiérarchiser par la qualité des œuvres de cinéma. Il y a évidement un langage cinématographique qui peut être très particulier, qui nécessite le grand écran et peut parfois paraître très intello ou élitiste mais sans lequel le cinéma mondial ne serait pas où il en est maintenant. En parallèle, il faut aussi aller sur certains films plus faciles et porteurs. Chaque film à sa place, mais le Zola a une image de marque, une certaine qualité cinématographique à sauvegarder. On va continuer le très grand public mais je serai un peu vigilant.

Évidemment, le court-métrage restera l’un des axes de développement du Zola. C’est ce que je faisais déjà à Valence, c’est dans mon ADN. J’ai aussi très envie de travailler avec le Pôle Pixel et toutes les autres structures impliquées dans le domaine de l’animation. Et si le Zola est un cinéma avant tout, on ne va pas s’interdire d’aller voir du côté des séries et d’interroger le dispositif sériel dans la salle. Ni les jeux vidéo — chose qui sera faite dans le cadre du projet Pôle Pixel. Il y a des passerelles avec le cinéma, il faut qu’on en parle, qu’on parle d’éducation à l’image.

Le côté éducation populaire, c’est extrêmement important. On a tendance à croire que, parce qu’il y a quatre écrans par famille — voire par personne —, les enfants en sauraient plus que nous au même âge… Je n’en suis pas certain.

Quid des films de plateformes ?
Je suis d'une génération qui est arrivée au cinéma par la VHS et Canal+, pas simplement par le “cinéma pur“. Mais j’y suis arrivé. D’un point de vue politique, je suis très méfiant vis-à-vis des plateformes. Parce qu’il ne faut pas qu’elles mettent à mal le système de financement du cinéma en France, qui permet aussi la production, l’innovation et la réflexion.

On parle rarement du système de production entre professionnels ; on oublie que certaines plateformes ne sont pas des producteurs mais des fournisseurs de contenus et qu’elles financent du contenu. Producteur, c’est un vrai métier. Il y a de très bons fournisseurs qui ont des idées, qui savent monter un projet parce qu’ils ont un goût et un sens du cinéma — ce n’est pas toujours le cas. Si ces personnes deviennent des vrais diffuseurs de films de qualité et qu’on puisse y avoir accès en salle de manière intelligente, dans le respect du fond de soutien du CNC, je ne suis pas fermé à leur diffusion dès lors qu’ils respecteront l’exception culturelle française.

Si on doit se repenser sur l’après Covid, je défendrai un côté artistique au Zola, en gardant la notion populaire d’accueil. À l’image du notre voisin le TNP : lui aussi a cette notion d’accueil, de toutes les personnes vivantes — ce que Le Rize fait aussi. En fait, on va s’inscrire dans cette démarche là : d’accueil des humains.

Le Zola
117 cours Émile Zola, Villeurbanne


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