Jean-Xavier Renaud, solaire insolent

Dans la joie et la bonne humeur de la provocation, Jean-Xavier Renaud expose à l’URDLA ses œuvres qui croquent voracement notre société, cultivent la beauté sur des sols improbables, et emportent le regard parmi des tourbillons de virtuosité et de liberté picturales.


Chantal Goyave, Vla François, Fuyons !, Gilets jaunes, doudounes bleues, Hannibal lecteur, Kadafille, J’adore ta chatte, je te bouffe l’abricot (chants tamouls), Suce ma bite t’auras des frites !… Ce n’est pas uniquement le sexe oral qu’affectionne, dans ses titres d’œuvres, Jean-Xavier Renaud, mais l’oralité en général, ses jeux de mots, ses calembours souvent gras, ses sobriquets, ses insultes, ses clameurs de fonds de bars comme de fonds des champs.

À l’entrecroisement de la honte, de la bêtise et du non-dit, l’artiste aime à puiser dans la masse de la parole (et dans la masse de l’iconographie contemporaine) la matière expressive de ses dessins et de ses tableaux. En très grands ou petits formats, sur châssis ou sur toile libre, à l’aquarelle ou à l’huile, au pastel ou au crayon, il fait exploser et vivre avec énergie l’envers d’une société qui, elle, au contraire, lisse les choses, cadre, normalise.

Pour son exposition à l’URDLA, il décrète même carrément que c’est « carnaval ! » dans l’espace d’exposition villeurbannais, soit un grand moment plastique festif où tout est mis cul par-dessus tête : le pouvoir politique local (Wauquiez et consorts), les icônes du Net (la pom-pom girl chasseresse de gros gibier en Afrique Kendall Jones), des avatars de jeux vidéo (l’improbable Genital Jousting), des portraits de « bons à rien »…

Illuminations

L’exposition débute avec une grande toile intitulée Route des vaches (2017), impressionnante déflagration de broussailles, de taillis, de branchages et de jets de peinture (dignes d’un Pollock). Plus loin, c’est un grand autoportrait où l’on discerne comme éléments concrets seulement deux yeux, perdus au sein d’un tourbillon-visage de traits dégoulinants de peinture…

Ces deux œuvres puissantes nous mènent à penser qu’au-delà du chroniqueur (acide, percutant, goguenard) de notre société, de ses boires et de ses déboires, Jean-Xavier Renaud est aussi un artiste… rimbaldien ! Le Rimbaud des Illuminations qui n’hésite pas à décrire les failles béantes et érotiques, les beautés imprévisibles de nouveaux corps amoureux, les sèves insoupçonnées qui sourdent du sol, des fleurs et des herbes… Le Rimbaud des Ornières, des Fleurs, celui qui marche dans les prés pour cueillir des intensités, ou celui qui, en ville (aujourd’hui donc aussi sur les réseaux sociaux et dans les jeux vidéo), assiste à une Parade : « dans des costumes improvisés avec le goût des mauvais rêves ils jouent des complaintes, des comédies de malandrins et de demi-dieux spirituels comme l’histoire et les religions ne l’ont jamais été. Chinois, Hottentots, bohémiens, niais, hyènes, Molochs, vieilles démences, démons sinistres, ils mêlent les tours populaires, maternels, avec les poses et les tendresses bestiales... »

Ce pourrait, presque, être ici un écho au tableau Ornans (en clin d’œil à Courbet) ou d’autres œuvres peuplées de Jean-Xavier Renaud. Le dégoût et le goût n’y sont plus dissociés, ni le beau et le laid, ni le graveleux et le gracieux… Bref, l’éternité d’une œuvre selon Renaud-Rimbaud c’est la merde du monde mêlée au soleil.

Jean-Xavier Renaud, Karneval
À l’URDLA jusqu’au samedi 21 mai


Bio express

1977 : Naissance à Woippy en Lorraine

2001 : Diplômé de l’École Supérieure des arts décoratifs de Strasbourg

2004 : S’installe à Hauteville-Lompnes dans le Haut-Bugey. « Il a deux chiens, trois poules, deux canards, un pigeon-paon, et cultive la terre avec ses amis » comme il l’écrit-lui-même

2010 : Participe à l’exposition collective Dynasty au Palais de Tokyo à Paris

2011 : Exposition à Lyon avec la galerie F. Besson

2017 : Exposition au Parvis à Tarbes

2022 : Exposition Karneval à l’URDLA


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