À Gadagne, des marionnettes vivantes

C'était une promesse lors de son ouverture en 2017 : le musée des arts de la marionnette serait mouvant. Voici la promesse tenue avec plus de la moitié du parcours renouvelé pour donner toujours plus de places aux artistes contemporains. Bienvenue dans la "virevolte" de Gadagne. Et à son week-end festif des 25 et 26 juin.


Ce n'est pas le moindre des paradoxes d'un musée et c'est à la fois sa plus belle ambition : « inciter à aller voir des spectacles et se confronter aux artistes » nous dit une membre de l'équipe de Gadagne. Depuis qu'il a été refondé, l'ancien musée des marionnettes du monde, devenu en 2017 le musée des arts de la marionnette, est un vecteur important entre les créateurs qui se produisent dans les théâtres et les visiteurs-spectateurs.

La construction du parcours est toujours la même (qu'est-ce que la marionnette ? D'où vient-elle ? À quoi sert-elle ? Comment elle se joue ?), ce sont les exemples qui changent. Ainsi d'emblée, la galerie de personnages a été renouvelée de moitié. Certaines œuvres arrivent comme des marionnettes "à clavier", d'autres sont entrées définitivement dans les collections comme ce sac plastique rose qui était avec plusieurs autres un protagoniste de l'essentiel Après-midi d'un foehn de Phia Ménard. Quand les vitrines n'ont pas été changées elles ont été augmentées, comme cette partie consacrée à la "révélation de la marionnette" enrichie de nouveaux artistes dont Gabriel Hermand-Priquet, le cofondateur de la compagnie ligérienne l'Ateuchus. En trois vidéos, il montre ce que l'on peut faire avec un bonhomme ou une mini sculpture de métal.

Puis, dans la dernière étape de la visite, c'est aux enfants et aux plus grands de pouvoir expérimenter ce qu'ils ont vu. Car une marionnette ça se manipule, se soupèse, ça réclame de mouvoir son propre corps de façon singulière pour l'animer. Il ne suffit pas de le lire, encore faut-il le tenter. La salle temporairement consacrée à Renaud Herbin, directeur du centre dramatique national de Strasbourg, le permet aussi. Puis le lien se fait avec la conception même d'un spectacle. C'est pour cela que la compagnie Arnica fait désormais partie de ce voyage en exposant, en clôture de circuit, des étapes de travail (embryons de marionnette et objet final) et en faisant part de la pensée même qui les rendent possible.

Avec la dramaturge Julie Sermon, la metteuse en scène Émilie Flacher décortique ce qui l'a amenée à faire de Buffles, texte — non destiné aux marionnettes — du catalan Pau Miro une puissante pièce marionnettique qui sera programmée la saison prochaine au TNP. Le trajet entre plateau et musée est constant.

Tirer des fils

Guignol n'est jamais bien loin de cette histoire. Si les personnages historiques de Laurent Mourguet datant de 1808-1810 sont en vitrine, un Guignol tout neuf nous regarde aussi. Sur les indications de Emma Utgès qui dirige le Théâtre de Guignol de Lyon, une nouvelle sculpture du gone, toujours en tilleul, a perdu son sourire béat pour plus de neutralité et peut-être permettre plus de férocité car il est aussi un personnage politique et revendicatif.

La marionnette est objet de satire, voire de contestation du pouvoir. Preuve en est encore aujourd'hui avec les créations de l'association sénégalaise Djarama qui cherche à éveiller les consciences quant à l'excision ou au mariage forcé. Support de pub (ah la campagne de la SNCF pour la carte kiwi dans les années 80 !), de contre-pouvoir (les Guignols de l'Info et le PPD d'Alain Duverne), la marionnette est aussi et surtout une incarnation du "trouble" comme en témoigne avec brio ce qui est exposé dans la salle du même nom. S'y côtoient différentes figures du loup mais aussi les travaux des compagnies Mercimonchou et La Mue/tte. Les Nancéens ont dressé un petit mausolée très remuant rendant compte de leur spectacle La Folle sur le combat des Mères de la place de Mai à Buenos Aires à la recherche de leurs enfants disparus. Véritablement installation d'art contemporain, elle se reflète dans un extrait vidéo du spectacle, indispensable pour qu'elles prennent vie. 

Week-end festif "La Virevolte"
Au Musée Gadagne les samedi 25 et dimanche 26 juin


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