Laal Singh Chaddha : le Forrest Gump indien d'Advait Chandan

Et si Forrest Gump portait un turban et dégustait des golgappas plutôt que des chocolats ? L'idée est audacieuse mais aurait mérité que le réalisateur indien de Laal Singh Chaddha se l'approprie davantage. Si l'intrigue réserve forcement peu de surprises, son film reste un intéressant exemple de cinématographie comparée.


Dans le train le menant à sa bien-aimée, Laal Singh Chaddha raconte par le menu son existence extraordinaire à ses compagnons de voyage. L'histoire d'un petit sikh un peu simplet marchant avec difficulté devenu champion de course, héros de guerre, créateur d'une entreprise florissante poursuivant le rêve d'épouser son amie d'enfance, Rupa ; cela en traversant les 40 dernières années de la vie de son pays sans s'en rendre compte…

Débutant par un interminable cortège de cartons de remerciements ainsi qu'un logo rappelant que l'Inde célèbre en ce moment les 75 ans de son indépendance, cette adaptation du scénario de Forrest Gump s'avère un objet paradoxalement intéressant si on le considère comme un cas d'école tant sur la forme que le fond. Exemple rarissime d'un remake assumé d'un succès étasunien, Laal Singh Chaddha a ainsi été tourné dans des conditions de production comparables, avec du grand spectacle et des stars à l'écran. Le décalque est à ce point fidèle qu'il n'y a pas réellement de “plus-value locale” — on ne parle pas des numéros dansés-chantés auxquels la caricature facile réduit le cinéma du sous-continent - l'ensemble usant d'un globish visuel sans outrance, aux couleurs adoucies et aux mouvements suaves. Comme si l'on voulait s'assurer de ne pas en faire trop question exotisme pour le public étranger.

Place de la concorde

Sur le fond, l'idée de transposer le personnage Forrest Gump, témoin universel d'un bon quart de siècle d'Histoire des États-Unis dans une autre civilisation, ne manque pas de pertinence — et pourrait s'effectuer dans toutes les cultures, à toutes les époques. Forrest Gump tient du trope, du héros de conte universel. Le souci réside dans la moins bonne connaissance occidentale des références et/ou marqueurs socio-politico-économico-culturels indiens : soit on manque la quasi-totalité des clins d'œil, soit il y en a volontairement moins que dans le film de Zemeckis. Ce qui reste gravite essentiellement autour d'une idée plutôt malmenée par le régime actuel de Narendra Modi : le vœu pieux d'une concorde entre les hindous et les musulmans, notamment après l'évocation du conflit de Kargil (le “Vietnam“ de Laal Singh Chaddha). Mais le discours pacifiste est contrebalancé par l'un des cartons d'avertissement liminaire expliquant peu ou prou que les positions religieuses et/ou politiques des personnages relèvent de la fiction. La prudence est de mise lorsque l'État a la vindicte facile et les factions rivales des janissaires prêts à frapper.

Côté comédiens, Aamir Khan cabotine un max  mais bonne nouvelle : le logiciel de deaging fonctionne très bien.

De Advait Chandan (Ind., 2h39) avec Aamir Khan,  Kareena Kapoor,  Naga Chaitanya Akkineni…


<< article précédent
Nuits de Fourvière : Dominique Delorme sur le départ