Tiago Guedes : « Le présent de la danse dans tous ses registres »

Nommé, en mai dernier, à la tête de la Maison de la danse, de la Biennale de la danse et des futurs Ateliers de la danse (ouverture prévue en 2025), Tiago Guedes nous révèle les grandes lignes de ses projets, sous le signe du décloisonnement et de l'ancrage dans le présent.


Vous avez été nommé sur un projet intitulé « ON(L)Y danse – un futur partagé pour la danse à Lyon ». Pouvez-vous nous en donner les grandes lignes ?

Tiago Guedes : Il s'agit d'un projet rassembleur pour les trois « lieux » dont j'ai la responsabilité (la Maison de la danse, la Biennale de la danse, les Ateliers de la danse dont le bâtiment sera inauguré à l'automne 2025). L'idée est de décloisonner le plus possible ces trois pôles et de les considérer comme un seul « corps ». Avec une Maison de la danse de toutes les danses, une Biennale de toutes les découvertes, et des Ateliers de toutes les pratiques… Reste maintenant à imaginer des rouages concrets entre ces trois pôles !

Justement, comment les choses vont commencer à se mettre en place dans un futur proche ?

J'ai en tête quelques directions plus précises… Pour la Maison de la danse, c'est l'idée de sortir des murs de la Maison (« Aller au-delà »), pour les Ateliers d'en donner une préfiguration dès la rentrée 2023 avant même la construction du bâtiment. Nous allons lancer un projet artistique en lien avec les ouvriers, les architectes des Ateliers, les habitants du voisinage. Et pour la Biennale, c'est l'idée d'inventer une temporalité de l'entre-deux biennales… Ce sera l'événement « Hors de la danse » où cinq curateurs internationaux (venant par exemple du Brésil, d'Angola, d'Australie, de Taïwan…) inviteront cinq artistes aux pratiques diverses et un peu en marge des circuits habituels.

Ce décloisonnement va-t-il jusqu'à ouvrir aussi la sphère artistique au social et au politique ?

Oui, c'est très important pour moi. Et, pour la Biennale 2025 par exemple (dont le titre provisoire est « Présent »), j'aimerais proposer un grand forum de pensée et de réflexion à partir des esthétiques, de l'éthique, des différentes pratiques de la danse. La Biennale a pour moi un rôle prescripteur (en termes de programmation et de découverte de spectacles) mais aussi un rôle social et politique plus large.

Avec la volonté aussi de jouer sur différentes échelles géographiques ?

Oui, tout à fait. Nous allons créer à l'échelle très locale le « 8e Festival » (qui remplacera le festival « Sens Dessus Dessous ») qui se passera uniquement dans le 8e Arrondissement de Lyon, en connexion étroite avec les écoles, la mairie, les associations…. C'est une préfiguration des Ateliers de la danse et l'affirmation de la centralité de la danse dans cet arrondissement. Le festival aura pour objet le corps, celui de la danse mais pas seulement, celui aussi du théâtre, du cirque, etc.. Et nos partenaires (le Théâtre de la Croix-Rousse, les Subs…) seront invités à se déplacer dans le 8e arrondissement.

Tous ces projets débuteront à partir de… septembre 2023 ?

Oui, la saison 2022-2023 a été composée par Dominique Hervieu et je serai là pour la mettre en pratique et pour le travail au quotidien avec l'équipe.

Pour votre programmation 2023-2024 et les suivantes, garderez-vous cet esprit de diversité des danses insufflé par Guy Darmet et conservé ensuite par Dominique Hervieu ?

Oui, car je crois que c'est l'une des forces de la Maison de la danse. Dans cet esprit, je considère la danse contemporaine non pas comme une discipline ou une esthétique resserrée mais comme un contexte : qu'est-ce qui est contemporain dans la danse, aussi bien dans le hip hop que dans la danse classique par exemple, quel est le présent de la danse dans tous ses registres ?

Je garderai donc cette tradition tout en introduisant de nouveaux chorégraphes et en défendant de nouveaux projets et une nouvelle manière de travailler. J'ai l'intention, par exemple, de faire venir des chorégraphes avec une certaine régularité de saison en saison, et aussi d'inviter des chorégraphes peu montrés ces dernières années à Lyon.

Vos programmations seront-elles associées à des propositions d'artistes ?

Oui, neuf chorégraphes de différentes générations et de différentes esthétiques (François Chaignaud, Jan Martens, le Collectif ES, Lia Rodrigues…) seront avec nous, pendant trois ans, pour imaginer des projets artistiques, pour la médiation, pour le travail avec la jeunesse. Cela pourra prendre différentes formes. Par exemple, Lia Rodigues viendra avec une nouvelle création et proposera peut-être une pièce d'un jeune chorégraphe brésilien, un film, un concert… Le tout dans le cadre d'un grand week-end. Lia Rodriguès est emblématiquement une chorégraphe dont le travail artistique se double d'un travail social et politique avec son école de danse dans une favela brésilienne.

Concernant les pièces du répertoire contemporain, quelles sont vos intentions, votre intérêt ?

C'est, pour moi, très important, tout particulièrement à l'attention du jeune public qui n'a jamais vu sur scène certaines pièces contemporaines (et que la vision en vidéo ne peut guère remplacer). J'ai le projet d'un programme « histoire(s) de la danse » où l'on présentera des pièces phares de la danse des 20e et 21e siècles ou des réinterprétations contemporaines de pièces de répertoire.

 

Tiago Guedes (44 ans) bio express

2000 : Diplômé de l'Ecole Supérieure de Danse de l'Institut Polytechnique de Lisbonne.

2001-2013 : Carrière de danseur et de chorégraphe.

2014 : Directeur artistique du Teatro Municipal de Porto où il crée ensuite un festival de danse en 2016, et un centre de résidences et de création artistique en 2021.

2022 (mai) : Nommination à la tête de la Maison de la danse et de la Biennale de la danse, succédant à Dominique Hervieu. Il prend ses fonctions en juillet.


<< article précédent
Le Festival du film jeune, 7e !