Rachid Ouramdane : « réunir tous ces gens du monde de l'aérien dans un seul spectacle »

Rencontre avec le chorégraphe Rachid Ouramdane, au sujet de son excellent spectacle Corps extrêmes.


Comment s'est passée votre arrivée à la tête de Chaillot en février 2021 ?
Rachid Ouramdane : Bien ! Je suis arrivé tout de suite avec l'idée de protéger l'existant : je respecte infiniment le travail de mon prédécesseur Didier Deschamps, je n'ai donc pas du tout été dans une dynamique de tabula rasa. Je dois être à la hauteur d'un héritage presque centenaire.

L'héritage d'un lieu voulu à la fois exigeant culturellement et accessible, populaire…
J'aime rappeler que ce lieu a été construit à l'occasion de l'exposition universelle de 1937 qui s'appelait "Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne". Ce souci d'inscrire l'art dans la vie des gens, de le mettre en partage, est dans l'ADN de Chaillot, avec notamment la grande aventure du théâtre populaire de Jean Vilar.

Aujourd'hui, cette notion de populaire, pensée à l'époque en réaction à un théâtre plus bourgeois, a évolué. Elle n'est plus seulement pensée en termes de classes sociales, mais renferme d'autres enjeux, dont celui de faire encore davantage de place à toutes les communautés, et notamment les minoritaires qui commencent enfin à être reconnues dans notre société – même si nous avons encore du progrès à faire. Je suis venu à Chaillot avec une idée en tête : celle de construire un théâtre des diversités et d'hospitalité.

Corps extrêmes est un spectacle qui a des liens forts avec Möbius, votre création à succès de 2019 avec les circassiens du collectif XY…
Oui. Au début, je pensais, pour Corps extrêmes, ne travailler qu'avec des sportifs de l'extrême pour montrer la façon dont ils s'appuient sur des environnements, dont ils sont à l'écoute de la nature afin de réaliser des prouesses… Nathan Paulin m'a par exemple longuement expliqué comment il devait composer avec les infimes variations du vent, c'était passionnant à écouter.

En parallèle, lors de mes répétitions avec le collectif XY pour Möbius, j'ai vu l'attention que ces circassiens avaient à l'autre, et notamment l'autre corps. Eux, leur pratique, c'est le main à main. Les choses folles qu'ils sont capables de réaliser, ils ne peuvent les mener qu'avec leurs partenaires dans un travail très sensible, fragile, d'écoute… J'avais alors tout un spectre qui se dévoilait devant moi. J'ai décidé de réunir tous ces gens du monde de l'aérien dans un seul spectacle pour rappeler nos fragilités, et que ces fragilités ne sont pas toujours des faiblesses.

Corps extrêmes
À la Maison de la Danse du mercredi 5 au samedi 8 octobre


Repères

1971 : Naissance, à Nîmes, de parents d'origines algériennes

1992 : Diplômé du Centre national de danse contemporaine d'Angers. Il devient interprète pour plusieurs chorégraphes – Alain Buffard, Catherine Contour, Hervé Robbe, Odile Duboc, Meg Stuart…

2007 : Il fonde sa compagnie. Ses projets sont souvent aux frontières de la danse et du documentaire

2016 : Il devient co-directeur, avec Yoann Bourgeois, du Centre chorégraphique de Grenoble (CCN2) à la suite de Jean-Claude Gallotta

2021 : Il est nommé directeur du Théâtre national de Chaillot. Il succède à Didier Deschamps


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