Les marionnettes désirantes de Johanny Bert au Théâtre de la Croix-Rousse

Après "Hen" et ses marionnettes de cabaret absolument réjouissantes et libres, Johanny Bert crée au Théâtre de la Croix-Rousse du 12 au 16 octobre "La (Nouvelle) Ronde". Dix situations différentes pour décliner les façons d'aimer aujourd'hui. En répétitions, il nous raconte ce projet.


De La Ronde d'Arthur Schnitzler, Johanny Bert ne garde que la structure. En 1897, l'Autrichien écrit dix histoires de couples hétérosexuels qui s'enchâssent les unes aux autres, un personnage glissant de la première à la deuxième, puis un autre de la deuxième à la troisième, etc. D'où l'effet de ronde et aussi la censure qui mettra la pièce au placard jusqu'en 1920. L'heure n'est plus aux interdictions de ce type mais le metteur en scène tout juste quadragénaire admet qu'il n'a pas « toujours été simple de trouver des partenaires. Le sujet n'est pas évident et souvent l'utilisation est pensée comme naïve, adaptée à une forme légère, pas chère. Or là, il y une ambition dramaturgique forte ». Comme il le dit, il s'agit de « manipuler des sujets délicats ».

Au cœur de cette (Nouvelle) Ronde, se trouvent donc les amours plurielles. Inspiré par des lectures de philosophes et sociologues mais aussi une écoute assidue des podcasts Les pieds sur terre de France Culture, Les couilles (et le cœur) sur la table de Victoire Tuaillon, marqué par des documentaires tels que celui sur l'asexualité et l'abstinence sur Arte récemment (No Sex), Johanny Bert, avec son acolyte auteur Yann Verburgh, a imaginé des histoires de bisexualité, polyamours, amours trans, BDSM mais « aussi un couple hétéro avec deux enfants qui est à un moment de sa vie où des troubles nécessitent une communication nouvelle ».

Pour éviter l'effet catalogue, Johanny Bert, même s'il s'est appuyé sur des témoignages après appel à témoins, glisse vers la fiction. Son médium de la marionnette y participe grandement. Maitre en la matière depuis ses débuts, il fabrique cette fois des personnages plus réalistes que ses figures de Hen au corps sur-souligné. « Ils seront moins insolents que dans Hen, précise-t-il, le traitement est différent, il n'y a plus la protection du cabaret, les situations sont plus concrètes, on joue moins avec les clichés masculin-féminin ».

Dix désirs. Et plus si affinités

Ces marionnettes sont activées par six acteurs issus de la jeune génération (trois issus de la formation professionnelle La Jeune Fabrique développée avec le Théâtre de la Croix-Rousse auquel Johanny Bert est associé, deux diplômés de l'ESNAM, école de marionnettes de Charleville-Mézières et une jeune titulaire du Conservatoire de Lyon) mais « les personnages appartiennent à des âges très différents ».

Si cette liberté des désirs est évidente pour certains, Johanny Bert ne perd pas de vue que les luttes sont toujours à mener. Dans Hen, il rappelait la violence de la Manif (prétendument) pour tous, martelait la nécessité de l'accession à l'IVG pour les ados dans ce très délicat solo qui se balade de classe en classe (Le Processus) ou déconstruisait pour les plus petits les clichés liés à ce qu'être une petite fille ou un petit garçon véhicule (Elle pas princesse, moi pas héros). Avant de reprendre une nouvelle session de répétitions de La (Nouvelle) Ronde, il confie : « on a l'impression que la société évolue, que certains tabous sont levés mais on sent que plus ces tabous sont levés, plus on a un renfort de violence en face, face à des identités et des sexualités soi-disant "hors normes". Et ces discriminations sont d'autant plus fortes que ces identités-là et sexualités-là sont mises au grand jour ».

La (Nouvelle) Ronde
Au Théâtre de la Croix-Rousse du mercredi 12 au dimanche 16 octobre


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