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Vous connaissiez le festival biennal Sens interdits ? Voici Contre-Sens, pour les années sans. La parole est toujours donnée aux artistes du théâtre de l'urgence. Malgré son abandon par la Région, les voix de Chine, Ukraine, Slovénie et Belgique vont se faire entendre.


C'est acté, comme pour de très nombreuses autres structures et compagnies, la Région AURA vient de supprimer la totalité de sa subvention au festival Sens interdits soit 30 000€ à 50 000€ annuels (selon qu'il y ait une édition ou non) rompant ainsi « avec onze années de soutien de la Région au festival et s'affranchissant de la parole donnée lors du comité tripartite le 23 février dernier […] aux côtés de la Ville, la Métropole et la DRAC » comme il a été rappelé dans un courrier adressé à Laurent Wauquiez le 11 octobre, lui demandant « de toute urgence un rendez-vous ».

Sens interdits ne baisse pas les bras pour autant. Du 19 au 30 octobre, Contre-Sens prend le relais du festival créé en 2009, parce que les productions de ce théâtre de l'urgence qui dit les maux du monde s'accommodent peu de ce rythme biennal. Parce que les luttes lointaines arrivent parfois tout près de chez nous et sont à portée de main. Dans un français qui force le respect, la Russe Tatiana Frolova, tant de fois accueillie au festival et qui est désormais réfugiée à Lyon car son opposition au régime de Poutine, même depuis sa Sibérie si éloignée de Moscou, la mettait trop en danger le martèle : « l'artiste est le système d'alarme de la société ».

C'est pour cela qu'il important d'entendre au TNP le dimanche 23 octobre Imperium delendum est (l'Empire doit être détruit) soit des poèmes écrits au lendemain de l'invasion russe et restitués par des comédiennes et chanteuses de l'Académie dramatique ukrainienne de Lviv.

Chine, Ukraine, Slovénie

Plus proche de nous, sans avoir à faire une cinquantaine d'heures de car et traverser l'Europe, Maguy Marin s'inscrit pleinement dans ce temps fort avec sa création d'Avignon 2021 d'après La Guerre du Péloponnèse de Thucydide dans Y aller y voir de plus près (à Ramdam, voir pages 8 et 9). La voix chinoise de Luo Ying, participant actif de la Révolution Culturelle et dont le texte a été interdit à sa publication en Chine sera aussi sur le plateau du Théâtre de la Croix-Rousse, mise en scène par Roland Auzet (du 19 au 21 octobre) avec une trentaine d'interprètes. Parmi elles, Lucie Zhang, actrice dans le remuant film de Jacques Audiard, Les Olympiades. Dans une forme solo et courte, le patriarcat et le genre sont questionnés par la Slovène Nataša Živković via les vierges jurées, ces filles qui, pour échapper à un mariage forcé ou au couvent, devenaient l'homme de la famille. Sonny est programmé à la Maison des Passages les 19, 20 et 21 octobre.

Enfin, Salim Djaferi signe un spectacle aussi drôle que profond. Celui qui s'est formé en Belgique, au Conservatoire de Liège, a demandé à sa mère algérienne comment on dit « colonisation » en arabe. « Koulounisation » (aux Célestins du 26 au 30 octobre) a-t-elle répondu. En décryptant le langage, la façon dont une langue cannibalise l'autre, il raconte cette « guerre », assimilée à la « révolution » dans une librairie d'Alger. C'est un spectacle joueur, mené comme une enquête avec documents d'archives et construction d'un espace pour raconter le cheminement d'une langue et sa réalité historique. Vertigineux !

Festival Contre-Sens
En divers lieux de la métropole du mercredi 19 au dimanche 30 octobre

 

 


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