Malle aux trésors

Présentée en primeur par Malavida lors du dernier Festival Lumière, la rétrospective consacrée au cinéaste Louis Malle (1932-1995) déploie son volet inaugural sur grand écran dès le 9 novembre. Au programme, six films restaurés par Gaumont piochés dans sa première période française. Et autant d'œuvres importantes.


Dégager un fil rouge parmi les longs-métrages de Louis Malle n'est pas, de prime abord, chose aisée tant sa filmographie recèle d'entrées, de formes et d'aspirations différentes : polar, comédie picaresque, fresque historique à l'eau-forte, documentaire, anticipation semi-expérimentale, drame, noir et blanc et couleur… Une telle variété (ou liberté, pour reprendre un terme commun avec le jazz qu'il prisait tant) a peu d'équivalents dans le cinéma, où les auteurs suivent plutôt le fameux précepte de Cocteau « ce qu'on te reproche, cultive-le : c'est toi ». Se moquait-il des reproches, ou bien savait-il tôt qui il était ? On ne retrouve guère que chez Soderbergh un pareil éclectisme — lui aussi récipiendaire de la Palme d'Or pour son premier long-métrage à la petite vingtaine, est-ce un hasard ?

Sortir du rang

Alors, s'il faut chercher un point commun entre les six films réunis à l'occasion de cette rétrospective, c'est peut-être du côté de la marge qu'il faut regarder : la plupart des protagonistes — on n'ose dire des “héros” — des films de Louis Malle bifurquent, prennent la tangente ou s'écartent de la convention normée. C'est Julien Tavernier, ex militaire préméditant le meurtre parfait du mari de sa maîtresse mais accusé d'un autre crime duquel il est innocent dans le film noir perfusé de spleen qu'est Ascenseur pour l'échafaud (1958) ; c'est la provinciale qui trompe son mari et son amant en succombant à une nuit de fièvre passionnée dans les bras d'un jeune homme pour Les Amants (1958). C'est aussi Alain, ce chevalier à la triste figure promenant les reliefs de sa mélancolie dans un Paris qu'il ne reconnaît plus et dont il n'est plus le roi, ni même l'ombre consumée dans Le Feu Follet (1963) — déchirante incarnation par Maurice Ronet.

Mais ce sont aussi les deux effeuilleuses révolutionnaires mélangeant tenues courtes et mèches longues dans le western Viva Maria! (1965) ; voire ce bourgeois spolié se retournant contre sa classe sociale et frayant avec la pègre et les anars dans Le Voleur (1967). Sans oublier cet ado lassé d'être infantilisé comme du cocon sclérosant de sa famille de notables gaullistes, trouvant davantage que de la complicité entre les bras de sa mère décomplexée dans Le Souffle au cœur (1971). Dérangeant ? Certainement. Mais d'une intranquillité et d'un anticonformisme inépuisables. À (re)voir, les enfants !

Rétrospective Louis Malle
Au Cinéma Lumière à partir du mercredi 9 novembre


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