Daniel Firman, glaneur contemporain

Sculpteur contemporain atypique et spectaculaire, Daniel Firman expose des œuvres récentes à la galerie Ceysson & Bénétière. Il y figure et interroge nos nouvelles relations aux objets et à la société de consommation.


Le corps, sans conteste, est un élément clef et une dimension centrale dans l'œuvre de Daniel Firman. L'artiste s'est très tôt intéressé à la danse contemporaine (Isadora Duncan, Rudolf Laban, Merce Cunningham) et à la performance (performances qu'il réalise souvent lui-même). En 2013, pour sa mémorable exposition personnelle au Musée d'Art Contemporain de Lyon, il y avait de nombreux danseurs : réels ou bien sculptés à l'échelle 1, et aussi des sculptures hyperréalistes de gardiens de musée, ou encore… d'éléphants en apesanteur !

Le corps est chez Firman en débat tragique (et comique) avec la gravité, il est aussi empêtré dans la matière et les vêtements, ou empêtré-empêché dans son espace social, les objets qui l'entourent, les lieux qui le cernent, les durées qui le menacent… Au tout début des années 2000, Daniel Firman lance sa série des Gatheringramasser/rassembler » en anglais) : des corps humains à l'échelle 1 qui supportent un fatras invraisemblable d'objets qui rendent invisible sa tête et jusqu'à la totalité de son tronc ! « Bien souvent, cela dégage une vision un peu burlesque ou beckettienne de nos rapports au monde collant. Mais, j'aime l'idée qu'une utopie révèle parfois une faille ou le paradoxe de nos conditions, comme le ferait un criminel romantique » précisait l'artiste dans le catalogue de l'exposition du MAC.

L'objet culpabilisant

Pour son exposition à la galerie Ceysson & Bénétière, Daniel Firman présente des mini-Gathering (mini, sans doute aussi pour les rendre acquérables aux collectionneurs). « J'ai fait évoluer cette série durant les vingt dernières années pour mettre en jeu une perception ajustée de ce qu'est notre relation à l'objet, précise l'artiste dans la feuille de salle de l'exposition. L'objet des années 2000 n'est plus le même qu'aujourd'hui, non pas sous un angle esthétique ou fonctionnel, mais par la simple relation que nous entretenons avec lui. L'objet tel qu'on le ressent aujourd'hui est devenu culpabilisant, il est tout simplement gluant, collant, d'un point de vue matériel et psychique. Nous prenons conscience à un plus haut niveau que l'on vit dans un encombrement permanent. »

Passage donc de la société de consommation "heureuse" à l'aliénation par l'objet rebut et à la conscience écologique. D'ailleurs, les objets coagulés autour des mannequins des Gathering ne sont pas toujours reconnaissables et il s'agit davantage de fragments de plastique, caoutchouc, matériaux divers… Ce sont des objets glanés par l'artiste en France, aux États-Unis, en Islande… Les corps des sculptures, en se réduisant, font la part belle à l'objet-matière aliénant qui les absorbe peu à peu.

Daniel Firman, Un objet n'arrive jamais seul
À la Galerie Ceysson & Bénétière jusqu'au 17 décembre


Bio express

1966 : Naissance à Bron. Depuis, Daniel Firman vit entre Bordeaux et New York

Fin des années 1980 : Formation aux Beaux-Arts de Saint-Étienne et d'Angoulême

1995 : Premières expositions personnelles à la Galerie Patrick Martin à Lyon, et à l'Espace Art Contemporain de la ville de Paris

1998 : Rompt avec la sculpture classique pour inventer son propre langage sculptural

2009 : Participation à la Biennale de Venise

2013 : Exposition La matière grise au Musée d'Art Contemporain de Lyon

2022 : Exposition à Lyon à la Galerie Ceysson & Bénétière


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