Pascal Comelade : il jouait du piano, des bouts

C'est le génie catalan de l'avant-garde joueuse Pascal Comelade, pianiste contrarié et parfois contrariant, qui vient clore le très sérieux programme du festival Piano Underground. Guère étonnant pour un événement qui voudrait conter une contre-histoire du piano. 


Le piano revient comme un leitmotiv, pas toujours sérieux, pas toujours bien mis, dans la carrière et la discographie abyssale, labyrinthique, cryptique et baroque de Pascal Comelade. Pour un type qui n'est pas pianiste il revient même beaucoup. Et se vit même consacré des albums entiers. Bien sûr, à coups (tordus) de ses célèbres pianos jouets Kawai ou Michelsonne, d'orgue électrique, mais aussi de piano à queues (ou demie), de Stenway « a la guillotina », bref de toujours un peu Distant pianos.

Au vrai, Comelade n'est pas à un paradoxe près. Perfectionniste bordélique, musicien d'avant-garde qui n'écoute que du rock et vit surtout de l'illustration sonore, père d'une œuvre vertigineuse n'ayant jamais composé un tube (c'est lui-même qui le dit) mais beaucoup repris ceux des autres (Wyatt, Dylan, les Stones...) souvent rendus méconnaissables, et grand développeur d'un esprit de sérieux (au point de s'être fait engueuler dans ses concerts par des spectateurs pour excès de dépouillement et de mutisme) au moyen d'instruments jouets, donc – car qu'y a-t-il au fond de plus sérieux que le jeu ?

Le paradoxe Comelade c'est encore Comelade qui le définit le mieux ainsi qu'il résumait il y a quelques années dans Libération :  « il y a toujours dans mes compositions une base culturelle qui me permet de jouer aussi bien dans un festival d'avant-garde à Berlin que dans un restaurant de poisson du Péloponnèse. »

Réduction de piano

L'Opéra Underground n'est ni l'un ni l'autre — même si jusqu'à preuve du contraire et un bar qui se mettrait à servir du fish & chips il est légèrement plus proche du premier que du second — mais semble prendre un plaisir non dissimulé à faire de l'art du contre-pied comeladesque le clou, la clôture et toutes ces sortes de choses, du spectacle de son festival Piano Underground. Mais il s'agira le concernant, à la suite des grands maîtres conviés et des mythes décortiqués, d'une réduction de piano — comme on le dit des préparations culinaires (en gros faites chauffer votre piano jusqu'à en réduire l'essence et obtenir une concentration du fumet musical).

Avec « 4 réducteurs de piano », les trois acolytes qui l'accompagneront pour cette production à huit mains et son bric à brac d'instruments, Comelade entend passer au chinois pianistique une partie de son œuvre - forcément petite au vue de l'étendue du bordel. 

Pascal Comelade –  4 réducteurs de piano
À l'Opéra Underground les samedi 14 et dimanche 15 janvier


La leçon de piano

« Une contre-histoire du piano » c'est la promesse faite par l'Opéra Underground et le festival Superspectives, avec lesquels il ne fallait pas s'attendre à quelques exécutions plan-plan de La Lettre à Élise et Richard Clayderman en invité vedette. Non, les choses sont un peu plus compliquées que ça et c'est ainsi que c'est le plus simple. Sept jours durant, on balaiera donc un spectre allant de Satie à Comelade en passant par Thelonious Monk, Glenn Gould, Sun Ra (trois grands virtuoses de la marge, en sessions d'écoute-conférences proposées par Camille Rhonat).

Avec notamment les participations du Mario Stantchev trio (à la découverte de Monk) et surtout François Mardirossian pour un véritable marathon picorant cinq (jours ou) soirs durant dans un répertoire invraisemblablement éclectique (Satie, Nietzsche, Federico Mompou, Rosemary Brown, Ravel, Ricardo Vines...). De quoi commencer l'année piano mais pas nécessairement sano.

Piano Underground
À l'Opéra Underground du 9 au 13 janvier

 

 

 

 


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