Pasolini / Carpenter à l'Institut Lumière

Coutumier des rétrospectives simultanées, l'Institut Lumière réchauffe le cœur de l'hiver avec un double focus : l'un consacré à un poète (pratiquant une foule d'autres disciplines), l'autre à un musicien (ayant bien d'autres lames à son surin), Pier Paolo Pasolini et John Carpenter.


Passer de la Trilogie de la vie pasolinienne aux morts-vivants tapis dans les recoins ombreux de l'œuvre de Carpenter pourrait s'apparenter à une variante métaphorique du grand écart facial. Pourtant, en dépit de leurs différences formelles, les deux cinéastes ont travaillé avec insistance sur des matériaux terriblement voisins, pour ne pas dire identiques : l'opposition entre notre monde — terrestre, matériel — et un autre — occulte, parallèle —, dont les manifestations cherchent à en parasiter, modifier ou menacer le cours ordinaire.

Chez PPP, les entraves sont à rechercher dans le corps moral ou la religion, dont l'emprise invisible et séculaire bride l'épanouissement de l'individu (voir Enquête sur la sexualité, Théorème). Mais aussi dans la politique qui les aliène et les bestialise au lieu de les affranchir (voir le toujours difficilement supportable Salò ou les 120 journées de Sodome).

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Du côté Carpenter, la liste des commensaux tentant de s'inviter clandestinement à notre table est plus vaste puisqu'ils proviennent de l'au-delà (Fog, Prince des ténèbres, l'injustement sous-côté L'Antre de la folie), d'horizons extraterrestres avec des intentions parfois louables (Starman), parfois non (The Thing ou le génial Invasion Los Angeles si visionnaire). Inventeur de figures de la pop culture contemporaine ayant influencé en profondeur le cinéma des années 1970-1980 (le Michael Myers de Halloween ou le Snake Plissken du diptyque New York 1997/Los Angeles 2013 en témoignent — d'ailleurs, on n'aurait rien contre un Washington/Chicago 2050), Carpenter n'a jamais oublié qu'il avait été élevé à la série B fantastique et au western, revisitant les codes de ces “films de genre” dans Big Trouble in Little China, Les Aventures d'un homme invisible ou Assaut.

Récemment, Carpenter confiait à Variety que de toute sa prolifique carrière, The Thing demeurait sans doute son film préféré. Ironie du sort, il s'agit là de l'un des rares (si ce n'est le seul) qui ne soit “bercé“ par ses propres compositions, entre nappes au synthé et riffs électriques. La partition avait en effet été confiée à Ennio Morricone… qui fut également le compositeur attitré de Pasolini à partir de Uccellacci e uccellini (1966), avec son fameux générique chanté. La boucle est bouclée.

Rétrospectives John Carpenter et Pier Paolo Pasolini
Jusqu'au 24 mars à l'Institut Lumière


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Tous en salle : c'est (déjà) les vacances !