Madeleine Riffaud, majuscule

Petit format d'expo mais maxi intérêt. Avec Madeleine Riffaud, Résistante, le CHRD poursuit une collaboration avec l'éditeur de bande dessinée Dupuis, entamé avec Spirou. À travers les planches d'une série au long court (et en cours), la vaillante et quasi centenaire s'expose. Son destin fut, quoi qu'elle en dise, exceptionnel.


« Je ne suis pas un symbole. Je ne suis pas une femme extraordinaire. Ce que j'ai fait, des centaines d'autres, des milliers dans le monde, l'ont fait » clame-t-elle à qui veut l'entendre et écrit-elle en préambule du premier tome de la BD qui lui est consacrée, Madeleine, Résistante, paru il y a tout juste an et qui raconte son parcours de sa naissance dans la Somme de parents instituteurs à son entrée dans les FTP et lutte armée en 1944, à 19 ans, sous le nom de Rainer car elle est guerre contre les nazis, pas contre les Allemands.

Dans ce laps de temps, la gamine à la rébellion dans le sang, que son passage au sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet en Chartreuse va décupler, parce qu'elle y rencontre un amoureux résistant et que d'autres, qu'elle ne voit pas, sont tapis dans l'ombre de ce refuge montagneux ! L'exposition du CHRD ne se contente de ces épisodes-là, elle embrasse toute la vie de cette femme de 98 ans au point que sa tribune publiée en septembre dernier concernant les conditions d'accueil déplorables à Lariboisière de Paris n'a pas fait trop rigoler l'AP-HP, qui l'a taclée sur ses réseaux sociaux.

Chaque case est une mine d'informations

Après la Libération de Paris à laquelle elle a activement et dangereusement participé, Riffaud a continué à être au plus près des conflits anticoloniaux : en Algérie, en Angola, au Vietnam, reporter de guerre notamment pour L'Humanité. Revenue en France, elle s'ennuie dans les seventies pompidoliennes, et reprend alors le tout premier métier qu'a appris, aide-soignante, dans des hôpitaux déjà bien agonisants – elle en fera un ouvrage tiré à un million d'exemplaires à l'époque : Les Linges de la nuit.

C'est son ami Lucien Aubrac qui la convainc de se souvenir des années noires et de témoigner. Miracle : sa mémoire est absolument intacte – remonte à la surface également, ce qu'elle a « occulté » pendant plus de 50 ans : un "ami" de la famille l'a violée quatre fois en une nuit.

Ce sont ses récits qui nourrissent le projet de BD scénarisé par Jean-David Morvan et dessiné de façon splendide par Bertail. La bichromie bleu et blanche et ses infinies variétés de nuances éclairent ses mille vies. Chaque case est une mine d'informations. Certaines, originales, sont exposées dans l'expo qui se constitue essentiellement de 18 panneaux biographiques. Des objets issus du musée de la Libération de Paris, du musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne et d'autres prêtés par Madeleine Riffaud elle-même (un fragment de carlingue d'avion américain abattu à Haïphong) font de cette expo peu impressionnante à première vue une excellente amorce pour aller plus encore à la rencontre de cette femme revenue de toutes les tortures et multiples condamnations à mort et toujours combative.

Madeleine Riffaud, Résistante
Au CHRD jusqu'au dimanche 11 juin

Madeleine Riffaud, Jean-David Morvan & Bertail, Madeleine, Résistante (Dupuis) ; deuxième tome à paraitre cet été


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