Emma Ruth Rundle : lumière noire


Il n'y a jamais eu beaucoup de lumière dans la musique de l'Américaine Emma Ruth Rundle, au contraire éclairée au noir à coups de lignes post-rock ou metal, doom même parfois, pour habiller ce folk pas vraiment pastoral. S'il est question d'un miroir sur son dernier disque Engine of Hell (sur sa pochette du moins, où elle se mire dans un miroir plus vieux) comme sur celui d'Alela Diane évoqué ici il y a peu, la comparaison s'arrête là. Les deux jeunes femmes sont chacune à un bout du spectre folk.

Spectre, concernant Emma Ruth Rundl, c'est le mot. Engine of Hell est spectral. Et cet aspect est sans doute renforcé par son minimalisme. Engine of Hell est un de ces albums de dépouillement, de délabrement apaisé, tels qu'en ont livré Nick Drake avec Pink Moon ou Shannon Wright avec Providence, s'affranchissant pour le premier de ses arpèges bucoliques, pour la seconde de ses embardées soniques.

Emma Ruth Rundle y rejette en bloc la précision, les artifices de production et les arrangements superfétatoires pour leur préférer le son brut, l'authenticité de l'instant et les dérangements incantatoires. Et surtout pour éclairer ses histoires intimes à la seule bougie de l'incarnation : la rupture amoureuse (Return), le deuil (Body), l'ivresse de la solitude aussi quand elle chante sur The Company quelque chose comme : « ma vie – cette nuit noire – est bien plus lumineuse maintenant sans toi ». Bel exemple de sobriété énergétique.

Emma Ruth Rundle
À l'Épicerie Moderne le dimanche 19 février


<< article précédent
Rencontre avec Nicolas Giraud, Mathieu Kassovitz et Jean-François Clervoy : « on va faire rêver tous les gamins »