Chansons d'amour pour Écrans mixtes

Fort d'une cinéphilie pointue et généreuse (c'est-à-dire imperméable aux dogmatismes à la mode), considérant hier comme aujourd'hui avec une égale curiosité, Écrans Mixtes poursuit son précieux travail en faveur de la visibilité des cinémas queer. Et ajoute de prestigieux noms à la liste de ses invités.


Après Téchiné, Ivory, Waters ou Corsini, place donc à Christophe Honoré et Terence Davies, têtes d'affiche d'une édition 2023 s'inscrivant dans la continuité logique des précédents. Si l'un est aussi prolifique que l'autre se fait rare, tous deux ont en effet sculpté une œuvre habitée par la mélancolie du deuil — celle des êtres comme des ambitions contrecarrées par l'extraction sociale et/ou l'époque.

Leur présence pour des rétrospectives, rencontres (double présence d'Honoré en masterclass aux Célestins et lecture au TNP) voire avant-première pour Davies pour Benediction — nouveau biopic d'un poète, ici Siegfried Sassoon — compose la part commémorative du festival, complétée par un très pertinent focus sur la Movida rassemblant six films. Et pas seulement les habituels Almodóvar : deux Eloy de la Iglesia (Les Plaisirs cachés et Le Député) ou notamment le rare Cambio De Sexo (1977) de Vicente Aranda marquant les débuts de Victoria Abril figurent au menu.

Désirs…

À cette dimension mémorielle répond un goût (nécessaire) pour la prospective équilibrant joliment le festival et confortant son assise internationale. On en jugera en parcourant la section compétitive, où le jury présidé par Panos H. Koutras aura fort à faire en départageant les huit longs-métrages en lice. Coups de cœur assurés pour le magnétique À mon seul désir de Lucie Borleteau porté par le duo Louise Chevillotte / Zita Hanrot, redessinant la carte d'une sensualité visuelle ainsi que Les Damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa, errance entre une mère et un fils évoquant autant Pasolini que Fassbinder dans le Maroc contemporain ; sans oublier le bien nommé Pornomelancolia de Manuel Abramovich dont le résumé pourrait passer pour celui d'une comédie (un ouvrier est recruté pour jouer Zapata dans un porno gay) et qui se révèle une fable existentielle vertigineuse.

On citera également parmi le riche programme (75 séances, des dizaines de rencontres), l'avant-première du Lion d'Or Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras entremêlant le parcours de la photographe Nan Goldin avec son combat contre les opiacés ou celle du nouveau doc de Lifshitz, Casa Susanna.

Un bémol ? À l'adresse des cinéastes recourant pour leur B.O. à The Cold Song par Klaus Nomi. Transformé en trope obligé par le cinéma queer, le morceau a été comme vidé de sa substance. Et de lieu commun musical pléonastique, il est hélas devenu cliché…

Écrans mixtes 
Au Comœdia, au Pathé Bellecour, au Cinéma Lumière et une vingtaine d'autres lieux de la Métropole du mercredi 1er au jeudi 9 mars


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