Passe d'armes entre l'Espace 44 et la Ville de Lyon

Avec une subvention de la Ville amputée de 25 000€ en 2023, le directeur de l'Espace 44, André Sanfratello, s'insurge et estime que cela signe l'arrêt de mort de ce lieu des Pentes qu'il a ouvert en 1980. L'adjointe à la Culture, Nathalie Perrin-Gilbert, s'est invitée à la conférence de presse organisée ce mercredi 22 mars pour justifier cette décision et réaffirmer son souhait que le théâtre ne disparaisse pas. Chacun dans son rôle, au meilleur de leur prestation.


C'est un fait acté par un vote du Conseil municipal du 9 mars dernier : la subvention accordée au théâtre Espace 44 passe de 35 000€ en 2022 à 10 000€ cette année. L'an dernier, elle avait déjà baissée de 5000€, le lieu étant sorti du dispositif des Scènes découvertes où il figurait depuis la création du label en 2002. Déjà à l'époque, André Sanfratello, son directeur, avait dû batailler pour être dans ce club où seuls les théâtres de l'Élysée, des Clochards Célestes et de feu La Platte avaient été adoubés par Patrice Béghain, premier adjoint à la Culture de Gérard Collomb (2001-2008).

Si l'histoire de ce théâtre au sein de ce dispositif est longue et heurtée (la DRAC s'étant retirée en 2010 et la Région étant arrivée en 2007, mais avec des financements qui baissent souvent — de 15 000€ à 5000€ en 2022 ; le montant de 2023 n'a pas encore été voté mais le directeur ne se fait aucune illusion quant à son maintien), c'est bien la situation actuelle qui interroge.

André Sanfratello, 78 ans, estime que les 10 000€ attribué par la Ville payent « à peine le loyer, même pas le chauffage ». Or celui qui se définit comme « artiste, ni agitateur ni gauchiste » estime que la mairie de Lyon « ne connait pas la situation des artistes qui n'existent que lorsqu'ils jouent », regrettant les époques — lointaines — où il y avait des troupes permanentes chez Marcel Maréchal, Roger Planchon ou Jean Dasté, avec lesquels il a longtemps frayé. Des artistes actuels lui disent aussi sa reconnaissance dans de nombreux témoignages oraux ou écrits, comme celui d'Aurélie Camus, comédienne et metteuse en scène pour qui ce lieu a été un « tremplin » notamment vers la distribution de Adieu Monsieur Haffmann qu'elle joue à la Comédie Odéon.

Nombreux certes, émouvants toujours, ces récits de vie ne rentrent pour autant pas dans la politique culturelle et ses nécessaires critères rappelés par Nathalie Perrin-Gilbert ce 22 mars après avoir applaudi et qualifié de « très bon acteur » André Sanfratello ! « Vous avez été le leader de ce lieu qui n'a de petit que sa jauge — 40 places — mais les Scènes découvertes doivent être en lien avec les étudiants d'écoles d'art, doivent accompagner les artistes en payant en cachets et non en partage de recette (même si ici il est passé d'un 50-50 à un 40-60 en faveur des compagnies) et permettre une circulation avec d'autres lieux. Ce n'est pas le cas » déplore-telle, rappelant que les huit Scènes découvertes actuelles* bénéficient d'un montant global qui a augmenté de 250 000€ depuis sa prise de poste.

Et comme pour le théâtre des Marronniers, sorti aussi du dispositif des Scènes découvertes l'an dernier, elle s'engage à maintenir un accompagnement financier si de nouveaux projets sont formulés et que l'outil se transmet — la subvention accordée aux Marronniers n'a pas baissé cette année. « C'est ce dialogue que nous n'avons pas avec vous, mais je ne ferme pas la porte, si un projet émerge dans le cadre de cette politique, vous êtes les bienvenus, je souhaite que nous travaillions ensemble, un arbitrage peut évoluer » a-t-elle ajouté.

André Sanfratello nous a affirmé avoir trouvé un successeur en 2020 mais la pandémie a fait capoté cela. De nombreux artistes présents à cette conférence de presse semblaient prêts à travailler à un dossier pour garder ce lieu essentiel pour eux, ouvert et qui chaque année, hors Covid, cumule 100 000€ de billetterie — soit les deux tiers de son financement. À suivre.

* Les huit Scènes découvertes labellisées sont, depuis 2022 : l'Élysée, les Clochards Célestes, le Sonic, À Thou bout d'chant, le Kraspek Myzik, l'école de cirque, le Nid de Poule et le Croiseur


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