La Comédie Odéon fête ses 10 ans

Il n'y a toujours pas de supermarché ou de snack à la place de feu le CNP Odéon comme c'est le cas à quelques mètres de là, à la place de feu le cinéma Ambiance. Dix années que le théâtre de la Comédie Odéon résiste, dont les sept portées par son directeur Julien Poncet. Joyeux anniversaire !


À force de flouter la distinction entre théâtre privé et théâtre public (David Bobée et Thomas Jolly), même l'annonce relayée par le site Newstank des nommés 2023 de l'académie des Molière était à l'envers : les catégories des comédiens, comédiennes et metteurs en scène du théâtre privé dans le public et vice-versa !

Pourtant,   cette limite est bien réelle et Julien Poncet ne le sait que trop en dirigeant la Comédie Odéon depuis 2016, sans subvention. Quand ce touche-à-tout (passé notamment par Forum Réfugiés) prend les rênes de l'ancien cinéma CNP Odéon, cela fait trois ans, depuis le 31 décembre 2012, que Stéphane Casez, propriétaire du Boui Boui, du Rideau Rouge, des Tontons Flingueurs, en a fait un café-théâtre ouvert. Le nouveau directeur ambitionne de ramener à Lyon ce qui se voit à Paris car, nous dit-il à l'époque, « 80% de la production théâtrale en France n'est pas présentée dans cette ville. Pour les Lyonnais, le théâtre privé c'est Tête d'Or et du gros boulevard bien perave. Ce n'est pas possible. Je connais des gens qui écrivent des textes formidables, qui ont de l'audace, vont à Avignon, finissent par jouer 500 dates, et ça peut être un théâtre de grande qualité littéraire. Il faut absolument ouvrir cette voie-là ici. »

Dont acte. 800 000 spectateurs ont franchi la porte et le théâtre peut se targuer d'avoir bien mieux supporter la période Covid que d'autres de ses voisins du public. Et même que ses confrères du privé qui ont connu une baisse de fréquentation de 40% en 2021-22. « La Comédie Odéon n'a été touchée qu'à hauteur de 5% » nous disait-il en septembre dernier. Son principe ? Une double programmation, à 19h puis 21h et des locomotives qui jouent souvent les prolongations d'une saison à l'autre via la force du bouche-à-oreille et des commentaires sur les centrales de billetterie en ligne.

Incontestablement, Julien Poncet fait un travail que personne ne faisait avant lui dans cette ville : proposer notamment celui qui triomphe à Paris et sur les écrans, Alexis Michalik, dont même la revue Théâtre(s), consacrée en majeure partie au théâtre public, vient de faire la "une" pour son numéro de printemps. Si Le Porteur d'Histoire nous a laissé sur notre faim, force est de constater que ça fonctionne au point que Julien Poncet a mis en place une distribution spécifiquement lyonnaise pour s'installer à l'affiche durant des semaines. Idem pour Intramuros du même Michalik et pour Les Faux British, moliérisé en 2016.

Cette recette contribue aussi à rajeunir le public, aidé par l'inscription du théâtre au fichier national du Pass Culture. « Les gens âgés qui ont déserté les salles avec le Covid ont été remplacé par les 30-40 ans, parfois même quatre générations se côtoient ». Les achats de dernière minute s'amplifient alors la fidélisation passe par un carnet de dix places non nominatives (180 €) et des mercredis à tout prix, soirées où le public peut payer la somme qu'il veut par tranche de 5€ ; « ça marche très bien même si le ticket moyen reste assez bas » constate Julien Poncet qui croit à cette proposition.

De Meirieu à Michalik

Si, à l'affiche de la Comédie Odéon, on trouve surtout du théâtre, il y a aussi de la place pour le jeune public durant chaque période de vacances scolaires, pour les contes (un samedi par mois). La chanson est aussi présente (la fidélité au Canadien Louis-Jean Cormier), voire les cabarets (le Theatrum Mundi de Camille Germser), bientôt les clowns (avec un festival de solos de clowns en juin) et les one-(wo)man-show — Christophe Alévêque est un habitué.

Pourtant, Julien Poncet ne veut pas tomber dans cette facilité : « si on était lucides, on ne ferait plus que ça, analysait-il d'un point de vue financier, à Paris il n'y a plus que des one-man ». Alors même sans aide des collectivités — « on en voudrait pour l'EAC, éducation artistique et culturelle, pour le travail fait avec les écoles et en prison, ça éviterait de faire des locations pour des rassemblements privés de banquiers » —, il prône le partenariat public-privé et collabore avec les Nuits de Fourvière depuis qu'en 2018 il a initié le projet d'Emmanuel Meirieu sur Les Naufragés. Avec ce festival, il a co-produit et accueilli l'an dernier le très beau travail de Sylcie Orcier et Patrick Pineau sur le texte de Serge Valletti, John a-dreams.

Cette année, il "héberge" trois soirées avec André Minvielle. Cet hiver il accueillait le solo sur Max Linder du sociétaire de la Comédie-Française Jérémy Lopez. Et puis toute l'année, Julien Poncet est sur les routes pour accompagner Edwige Baily qui interprète seule en scène le texte qu'il a écrit et mis en scène, Tout ça pour l'amour. Déjà 200 dates de représentations depuis la création en 2021 et d'autres programmées pour les deux saisons à venir. Un jour, pas si lointain, il n'aura plus le temps de se consacrer à ce théâtre ouvert presque toute l'année et passera la main.


Une semaine d'anniversaire

La Comédie Odéon célèbre ses dix ans du 25 au 30 avril avec des fidèles : une carte blanche à Jacques Chambon en ouverture de festivités le mardi, Le Porteur d'Histoire samedi soir, la venue de Frédéric Fromet le jeudi soir avec son concert Cœur de moqueur et bien sûr une représentation de Tout ça pour l'amour de Julien Poncet (le dimanche à 17h). Le théâtre sera ouvert toute la journée le week-end avec des visitée guidées théâtralisées du théâtre, des ateliers parents-enfant pour s'initier au jeu le matin, des spectacles jeune public, la lecture des Imprudents du journaliste indépendant (et ex de Libé Lyon) Olivier Bertrand (samedi 17h) et même un quiz culture générale à la sauce Odéon. Programme complet sur le site du théâtre.


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