A Day with hyperpop

Musique pop, geek, avant-gardiste, artificielle, sons indisciplinés, mélodies lancinantes, et glitchées… Ces productions cristallines qui louchent vers le kitsch surchargé découlent d'un véritable mouvement : l'hyperpop. Plus qu'un genre musical, l'hyperpop est une attitude revendiquée par les artistes, qui consiste à ne pas différencier musique savante et culture populaire.


« Pour nous, la pop n'est pas un plaisir coupable » explique le producteur et artiste londonien A. G. Cook dans l'émission Tracks de Arte. Le musicien, reconnu comme étant à l'origine du mouvement, grâce à son label et collectif artistique PC Music qu'il fonda en 2013, était un peu agacé par cette manie de séparer la pop et la musique d'avant-garde. « Cette séparation absurde entre l'homme et la machine, ou l'acoustique en opposition à l'électronique… les gens pensent à tort que la musique populaire ne peut pas être expérimentale. Pourtant ces deux mondes se croisent beaucoup plus souvent que ce qu'on ne croit, et j'y vois là un réel potentiel. J'adore le chaos vers lequel se dirige la pop et j'essaye d'y contribuer en apportant des éléments souvent incompatibles avec ce style musical. Il y a donc une sorte d'échange entre ce qu'on appelle le mainstream et l'underground. » 

A priori, mélanger les genres n'a rien de révolutionnaire. Mais la vague artistique que déclenche l'hyperpop dans toutes les sphères est assez remarquable. Des artistes comme Danny L Harle (dont on sent encore les courbatures de son live à Nuits sonores l'an dernier), Charli XCX, la regrettée SOPHIE, 100 Gecs, Hannah Diamond, Eartheater, ou Caroline Polachek synthétisent le foisonnement des genres écoutés sur Internet et créent des versions distordues ou exagérés de phénomènes sonores naturels — inventant alors de nouvelles textures, pour fédérer les foules à travers leur interpretation presque agressive du présent.

SOPHIE confiait d'ailleurs à Arte : « on a envie de travailler avec les outils les plus performants à notre disposition. Autrefois c'était sans doute le piano ou la guitare. Mais aujourd'hui tous les artistes devraient exploiter la puissance des synthétiseurs logiciels. Par exemple, j'imagine le son que produirait un piano de la taille d'une montagne avec des cordes gigantesques. » La voix (chant, gémissement, cris, rap), souvent hypertrophiée, s'ajoute à ce bordel instrumental. Dans la galaxie PC music, le concept même de pop star est réinventé, souvent singé, ou poussé dans ses versions les plus saturées. In fine, ces sons finissent aussi bien dans les playlists de passionnés de trap, que de punk rock ou de musiques électroniques.

L'hyper potion de Nuits sonores

En France, une ramification plutôt héritière du rap avec des thématiques plus sombres ou vêtues de romantisme noir, a germée en quelques années, aussi appellée new-wave (rien à voir avec le courant 1980's). C'est le cas de la Parisienne Eloi, qui performera en live au Day 2. Ses tracks aux esthétiques pop, gabber et rave racontent la jeunesse à vif de l'artiste, confrontée à un monde extérieur souvent trop violent.

Même jour, dans la salle 1930, deux rappeurs aux productions nerveuses se réuniront sur scène pour la première fois. D'un côté, Winnterzuko, représentant de la Gen Z, viendra la sacoche pleine de références nostalgiques des années 2000 avec un certain appétit pour l'eurodance. Dans son univers où l'hiver n'est jamais fini, l'artiste raconte l'exil d'un enfant qui a fui la guerre pour éprouver en France la misère, à laquelle s'ajoute l'absence d'un père. Sombre, on vous dit. Son talent a d'ailleurs poussé le label et duo parisien Promesses emmené par Samos et Härdee (Day 2 également) à le signer.

À ses côtés, son ami Realo, producteur et rappeur du sud-ouest ultra productif. Lui ne déroge pas à la règle en matière de sonorités digitales et saturées, chantant ses introspections et ses tentatives de leur échapper. Même jour, le Franco-Suisse Rounhaa aiguisera ses figures de style autotunées sur des beats aux accents trap. Suivi, Nuit 1, par la baby voice emlématique de Khali. Le Bordelais, qui incarne parfaitement cette vague new-wave a sa recette : un savoir-faire DIY, une direction artistique visuelle chirurgicale, des textes fins, des influences rap de niches, une soif d'éxpérimentation et un appétit pour le mélange des sons (piano + synthés modulaires + guitares + 808).

Outre mer, une différente matière se révèle : le natif de Philadelphie LSDXOXO (établi maintenant à Berlin) viendra défendre en live son titre de maitre dans l'art du sampling. Un BPM hyperactif, des bangers pop superposés à des esthétiques techno, ghetto house, ou hardcore, le DJ et producteur familier de la culture ballroom incarne un nouveau flot d'artistes prêts à décloisonner les genres sociaux et musicaux.

Enfin, moins hyper que pop, il faut tout de même citer le live de Soda Plains, Day 2. Le producteur originaire de Hong Kong (résident à Berlin) envoûte par ses mélodies ondoyantes et mélancoliques qui s'évaporent souvent d'une chape plus breakée où se confondent diverses influences de musique club et pop, aux vocales triturées. Hyperpop, hyper cool.

Khali
À Nuits sonores  (Nuit 1) le mercredi 17 mai

Eloi, Winnterzuko et Realo, Rounhaa, Promesses, LSDXOXO, Soda Plains
À Nuits sonores (Day 2) le jeudi 18 mai


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