Lyon aux mille visages

C'était comment le quartier Perrache et la Croix-Rousse avant la gentrification ? Qui vivait dans des abris de fortune aux abords de nos logements ? En noir et blanc ou en couleur, en argentique ou numérique, Bruno Paccard a immortalisé en photos la ville (et au-delà). Les Archives municipales lui consacrent une exposition émouvante.


1992. La volée d'escalators qui descendent de la gare de Perrache vers un cours Charlemagne pas encore rénové et des cabines téléphoniques au pied des immeubles ; la rue Delandine qui longe encore la prison et non la fac catho. À cette époque-là, le photographe, né en 1946, s'installe dans le quartier de Perrache et en saisi les ombres, les rues désertes la nuit. Plus tôt, en 1969, croix-roussien, il saisit la montée de la Grande-Côte avant, sept ans plus tard sa démolition et ces champs de gravats, véritable témoignage de la transformation de la ville qui n'a pas encore de métro (hormis la crémaillère des Pentes) ni Cité internationale (ah le Luna Park du quai Charles de Gaulle en 1966 !) et où les voitures sont reines. La qualité du travail du Lyonnais est d'avoir su regarder avec acuité son époque, désormais révolue. Mais il se fait aussi photo-reporter à la demande précisément des Archives qui ont acquis au fil des années, certaines de ses photos. C'est ainsi qu'il s'immerge, en 2015, dans le camp de Roms de La Feyssine et capte les regards rieurs ou fatigués de Roxanna, Bella, Klaas, Maria ou du petit Saban. Cette ville c'est aussi la leur comme elle fut celle d'un livreur de sciure à vélo rue Bouteille ou d'un vendeur de cravates rue Imbert-Colomès dans les années 70.

Transformations

« Les joies, les rêves, les désirs, les élans sont en creux » témoigne la romancière Marie-Hélène Lafon face aux photos de Bruno Paccard, « il y a des émotions attachées à ces visages » dit-elle dans une vidéo où s'expriment aussi Nancy Huston ou Ernest Pignon-Ernest, que le photographe rencontre lors de leur travail dans les prisons Saint-Paul et Saint-Joseph, vides. Mais il attrape aussi des bâtiments bruts comme ces escaliers dans des monuments lyonnais en transformation (Hôtel-Dieu, musée Guimet, salle Rameau). Et ne concentre pas exclusivement sur Lyon. Figurent aussi, dans ce parcours, les campagnes environnantes et la côte d'Azur de son enfance.

Bruno Paccard, Des matières et des atmosphères, aux Archives municipales de Lyon, jusqu'au 30 septembre


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